Il régnait dans la pièce un silence étouffant. Même le lustre en cristal accroché au milieu de la chambre royale semblait être de connivence avec ce calme dérangeant. Seul le vent caressant les rideaux en soie blanche de la pièce paraissait vouloir y mettre un terme. Il se faisait plus fort. Se frayant un chemin à travers les objets, roulant sur les tapis en velours rouge, grimpant sur les meubles en bois d'accacia pour enfin trouver la seule âme vivante de la chambre.
Sur le lit les respirations de la jeune femme étaient à peine perceptibles. Habillée d'un simple déshabillé blanc, ses yeux sombres comme de profonds abîmes étaient ouverts. Mais son regard ne semblait plus porter sur le monde autour d'elle. Il était lointain ce regard rempli d'ombres et de lumière. Ses mains étaient attachées de chaque côté du lit par une chaîne en or aux reflets arcs-en-ciel presque irréel. Et ses jambes, elle ne les sentait plus, d'ailleurs elle ne sentait plus grand chose.
Lorsque le vent carressa son visage elle sembla se réveiller d'un long sommeil. Pour la première fois depuis qu'elle était enfermée, elle se décida à observer le monde autour d'elle. Elle reconnu cette chambre aux tons délicats et forts qui fut un jour la sienne. Elle n'avait pas changé tout était à sa place.
Sur une commode près du lit elle reconnu un carnet à la reliure en cuir rouge. Elle sentait encore l'odeur de l'encre fraîche posé sur le papier qui petit à petit se maculait de noir.
La jeune femme ferma les yeux, essayant de se souvenir qui elle était. Ce carnet elle le connaissait très bien, cette chambre aussi. Pourtant elle ne savait plus. Rien ne lui venait à l'esprit, aucune pensée précise et définie. Il ne lui restait plus en tête que des odeurs et des sensations qui lui donnaient l'impression de nager dans une brume aqueuse.
Elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'elle avait oublié. Qui était-elle? Qu'était ce lieu ? Pourquoi était-elle enchaînait ? Qu'avait-elle fait ? Qu'avait-elle été ? Qui amait-elle?
Cette dernière question provoqua en elle un raz-de-marré d'émotion. Une tristesse infinie l'envahit sans qu'elle ne sache pourquoi. Un visage d'homme lui revint en mémoire, et tout ce qu'elle retint de lui c'était ses yeux. Des yeux dans lesquels la jeune femme avait voulu se perdre. Car elle en était sûre désormais, cet homme, elle l'avait aimé. Des larmes abondèrent de ses paupières closes coulant du coin de ses yeux et roulant avec rage et désespoir sur ses tempes.
Non! elle ne l'avait pas aimé, elle l'aimait toujours, et elle l'aimerait même lorsque son âme quitterait son corps. La jeune femme le savait, elle le sentait. Au plus profond de son être cette conviction c'était frayée un chemin à travers l'épais brouillard peuplant son âme. Cette pensée lui donna de la force. Assez pour rouvrir les yeux et reprendre conscience de son existence. Et cette fois elle était bien vivante, et prête à se battre.