Depuis qu'Irma a eu la brillante idée de nous enfermés, dans ce qui fut il y a des siècles la demeure des trois premiers souverain de Vactée, elle n'a cessé de tourner en rond en se rongeant les sangs. Le pire étant l'odeur de moisissure soulever à chacun de ses pas sur les tapis brunâtres autrefois rouges vif.
L'État actuel du château est l'image de la stabilité politique du royaume; branlante et putride.
Et mon père est à l'origine de toute cette décrépitude. Il a laissé une incapable assumée des responsabilités qui étaient miennes. Sans parler de sa léthargie de ces dernières années. Ses choix politiques ont tous été plus que discutables pour ne pas dire totalement injustifié. A l'exception peut-être du mariage de Floranna avec un des princes de Pallas. Encore aurait-il fallut qu'il ne la veuille pas sur le trône à ma place. Pendant près d'une décennie il n'a fait que cumuler les erreurs. Malheureusement c'est le château de nos ancêtres qui en paye le prix.
Autrefois majestueux et mystérieux, inspirant le respect et la crainte chez tous ceux qui s'approchait. Le terrain de jeu de mon enfance n'est plus qu'un sombre bâtiment humide et vétuste, tout juste bon à rebuter les aristocratiques trop frileux.
Sans doute l'état du château n'est pas inconnu à la panique de Saphira. Elle a sûrement peur que l'on finisse comme lui.
Encore faudrait-il que je ne sois plus de ce monde.
- Calme toi Saphira. Et arrête de tourner en rond. Tu me rend malade, lui ordonnais-je d'un ton neutre.
- Aucune chance vous n'êtes jamais malade, souffla-t-elle sceptique.
Elle daigna néanmoins obéir à mon ordre. Et repris plus ou moins son calme.
- Je ne peux pas... reprit-elle en s'assayant à mes côtés. Comment arrivez-vous à garder votre calme? Ils ont découvert ce que vous êtes. Et ils ont enfermés tous ceux qu'ils jugeaient susceptibles d'être de votre côté. Sans parler du fait que votre belle-mère va se faire une joie de vous présenter au peuple comme une aberration. Au mieux nous serons bannies majesté, déballa-t-elle en reprenant peu à peu contenance
Comme si le fait d'exposer ses craintes l'avait libérée.
- Nous sommes dans de sales draps, conclut-elle enfin.
Un silence réconfortant s'installa dans la pièce à l'odeur âcre. Le moisi s'insunuait de plus en plus dans mes narines. L'humidité de la pièce et les murs craquelés par des rainures superficielles qui rappelaient des éclairs fendant le ciel, me faisait penser à un orage de moisson. J'allais en profiter pour me rendormir. J'aimais les orages, leur déchaînement me faisait oublier mon propre chaos intérieur. Mais Saphira insista en me fixant avec ses grands yeux dubitatif. Je pris une profonde inspiration en me redressant pour lui faire face.
- Premièrement cette chose aux cheveux de sang n'est pas ma belle mére. Deuxièmement crois-tu réellement que la situation m'ait ne serait-ce qu'une seule seconde échappée Saphira? Si c'est le cas tu ne mérite pas d'être mon reflet, dis-je d'un ton faussement méprisant.
- Et troisièmement cesse de faire cette tête de déterré. Tout est sous contrôle, conclus-je en m'affalant encore une fois sans aucune élégance sur le sofa de mère.
- Donc vous avez un plan, me demanda-t-elle.
Son expression déconcertée m'aurait presque fait pouffer. Du moins si j'étais le genre à pouffer.
- Oui! mais enfin réveilles toi ceci est mon plan, repondis-je en appuyant sur chaque syllabe.
- je ne vous suis pas...
A dire vrai, moi non plus je n'arrivais pas à suivre certains de mes raisonnements tortueux par moments. Mais plus que tout je devais donner le change, faire croire que je maîtrisais tout. Notre monde n'était rien d'autre qu'un vaste jeu de dupe. Et j'étais l'une des meilleures à ce jeu facétieux.
- Comment cela se fait-il que tu sois autant à la traîne? Quel est la première leçon qu'on nous a enseignée en cours de tactique politique? demandais-je
- Contrer un usurpateur, répondit-elle du tac au tac.
Je n'étais pas la seule à être bonne à ce jeu là. Sous ses airs d'ingénue mon ombre lumineuse, n'était pas en reste. La différence entre Saphira et moi c'est qu'elle, y jouait malgré elle, en revanche pour moi c'était une seconde nature tapis dans mon être. Une nature à laquelle je ne pourrais pas échapper. Même si je le voulais.
- Comment contrer un usurpateur ? demandais-je
- En le faisant haïr du peuple,dit-elle distraitement. Mais je ne vois pas à quoi cela nous avance. Vous ne m'avait pas l'air d'être en mesure de prouver la felonnie d'Irma.
- Tout simplement parce que ce n'est pas elle l'usurpateur, mais moi.
- Vous?! Mais de quoi parlez-vous?
Son air indigné était presque risible. Elle devait sans doute croire que j'étais devenu folle. Raison pour laquelle je ne lui racontais jamais mes plans. Cette fois-ci il fallait que je lui en dise un peu plus, si je voulais être tranquille.
- Je parle de la première leçon. La première chose que le professeur Helmet nous a dites lorsque nous avons pénétrez dans sa salle d'études en riant joyeusement. Fais un effort Saphira je suis sûr que tu t'en souviens.
Mon ombre réfléchie un instant, et une lueur s'allume dans son regard. Là je sais que tout ce qui va suivre sera un jeu de dupe. Elle faisant semblant de ne pas comprendre. Et moi feignants d'ignorer qu'elle a déjà tout deviner. Car qu'elle le veuille ou non, elle est aussi tordu que moi.
- Le professeur Helmet nous avais sermonner il me semble.
- Pour être exact il avait dit que me faire des amis ne me serait pas très utile. Qu'il valait mieux pour toutes les deux que l'on s'attéle à connaître nos ennemis mieux que l'on ne se connaissait nous même.
- À vrai dire je n'ai pas retenu cette consigne, admit Saphira.
- Eh bien vois-tu moi si. car quelque chose dans le regard du professeur Helmet m'avait clairement fait comprendre que cela s'appliquait plus à moi qu'à toi.
- Mais je ne vois pas le lien avec votre... pardon, Irma réctifia-t-elle en croisant le regard noir que je lui destinée.
- C'est normal, soupirais-je, tu étais trop occupée.
"A penser à ton père et tes amis de l'armée." Eus-je envie d'ajouter plus amère que je ne l'aurais voulu. Néanmoins je réussi à retenir cette pulsion de jalousie égoïste indigne de mon rang.
À cette époque Saphira était souvent avec son père ou avec les autres enfants du palais et les futurs soldats.
Moi en revanche je n'avais pas d'autres amis qu'elle. J'ai eu tous le loisir de retenir chaque leçon d'Helmet. Irma est mon ennemi. En tant que telle je me dois de la connaître. C'est ce que j'ai fait toutes ces années. J'ai appris à la connaître mieux que son ombre, elle ne peut rien faire qui échappe à mon contrôle.
Saphira se redressa avec un air sceptique, reprenant ses vas et viens.
Tout comme George, elle doute de la fiabilité de mes informations sur Irma. Les deux ont une même question pendue aux lèvres, et qui pourtant n'en franchira pas le seuil.
Comment ai-je obtenu ces informations sans leur entremise?
Ça c'est mon secret. Et je ne compte pas le leur divulguer de sitôt. En revanche je peux convaincre Saphira tout comme j'ai convaincu George; avec mes mots tout simplement.
- Toi et moi savons parfaitement que la meilleure manière de réellement connaître quelqu'un c'est de ne justement pas le côtoyé. Les sens, les émotions, les intuitions sont autant de facteurs qui nous trompent dans notre jugement. Pour connaître quelqu'un il faut analyser ses actes. Pour qu'une analyse sois valable il faut avoir du recul par rapport aux faits à analyser. Et du recul j'en avais par rapport à Irma père s'en est assuré, finis-je.
- Mettons que vous la connaissiez bien, lança-t-elle, je serais étonnée qu'elle n'en sache pas autant sur vous.
- Elle a essayé, dis-je levant les yeux vers elle, mais je ne suis qu'une enfant...
Elle sourit et moi aussi. Si j'ai réussi à cacher mes capacités si longtemps, c'est en grande partie grâce à elle. Avec George, elle s'est assurée qu'aux yeux des espions d'Irma je ne soit qu'une ingénue à peine digne d'intérêt. Ce n'était pas une façade que nous avons construit ces dernières années. Mais un fort, impénétrables qui m'a assurée protection et effet de surprise. Alors je n'avais pas peur de ce qu'Irma pourrait savoir sur moi. Il était trop tard pour elle à présent.
- Bien, dit Saphira, admettons que votre plan aussi tordu et impénétrable qu'il doit l'être fonctionne. Que ferez-vous après? Quel est la suite?
- La suite est-ce une plaisanterie ? Lui demandais-je à mon tour, il n'y a qu'une suite possible Saphira, moi couronnée et dominant le monde entier. Je suis née pour être au sommet Saphira et il n'y aura pas d'autres suite pour moi.
Saphira soupira retombant lourdement sur mon pauvre divan, qui ne survivra sans doute pas à notre séjour ici. Elle n'aimait pas m'entendre parler ainsi. Mes rêves de grandeurs la terrifiaient. A certains moments il me terrifiaient également.
- Mais il vous aurez suffit de convoquer vos troupes et de chasser Irma. Toute l'armée vous est totalement dévouées je m'en suis assurée, argua-t-elle d'un ton pourtant dénué de toute fierté.
- Et je t'en remercie. Mais ce n'est pas suffisant. L'armée est une chose le peuple en est une autre. Ils sont si imprévisibles Saphira, dis-je en soupirant, et aveugles ce qu'ils voient est ce qu'on leur montre; favoriser leur colère c'est favoriser l'instabilité. Moi tuant Irma et chassant ma petite soeur que crois-tu qu'ils verront? Une fille vengeant sa mère ou un monstre assoiffé de pouvoir assurant ses arrières ?
- Alors vous l'avez laissé vous faire prisonnière, pour vous assurer la légitimité?
- Evidement, soufflais-je calmement, comme tu l'as si justement soulignée. Avec tous les partisans que j'ai rallié à ma cause ces dernières années Irma n'aurait pas pu me faire prisonnière si je ne l'avais pas voulu...
Tout ceci faisait parti de mon plan. Car pour vaincre il fallait parfois faire croire à l'ennemie que l'on perd. Je savais qu'en me rendant au conseil plus que ma vie c'était mon titre que je m'étais en jeu. J'aurais pu en tant qu'héritière légitime du trône prendre le palais, ainsi que le royaume à l'aide des troupes de sir Cyrusen. Et me faire couronnée par le mage suprême. Cependant à quoi bon un pouvoir aux allures usurpé ? Quand je peux dans trois jours être couronnée reine légitime et souveraine acclamée du peuple.
- Trois jours c'est ce qu'il faudra au duc Géfurd et ses troupes pour arriver, et me libérer afin que je punisse comme il se doit celle qui a essayé de me voler mon trône, avouais-je à mon ombre.
- Le duc de Gefurd, mais enfin dites moi que vous ne comptez pas l'epouser ? me demanda Saphira choquée d'avance par ma réponse.
- Je l'épouserait lui et un million d'autres comme lui. Si cela peut me permettre d'être ce pour quoi je suis née. Une reine Saphira voilà ce que je suis et ce n'est pas Irma, le conseil ou encore toi et ton regard réprobateur qui m'empecherais d'être la plus grande souveraine que ce royaume ait jamais connu, clamais-je d'un ton impérieux.
- Non vous ne pouvez faire cela savez-vous ce que le mariage implique ? ou ce qui ce raconte à propos du duc et de ses épouses toutes mortes la nuit de noce? lança Saphira apeuré par la détermination qu' elle devait lire dans mon regard.
- Saphira si c'est cela qui t'inquiète tu n'a pas à te torturer l'esprit. Car crois moi ce vieillard scabreux ne posera pas un seul doigts sur moi. Je compte être veuve très tôt; soufflais-je avec un large sourire.
- Non vous ne pouvez pas faire cela, pas davantage ne laissez pas votre âme se perdre plus, je vous en supplie, dit-elle en s'agenouillant joignant le geste à la parole.
Son obstination à vouloir me sauver de moi-même coûte que coûte m'impressionnait autant qu'elle m'exaspèrais.
- Mon âme est déjà perdue, lançais-je froidement dans l'espoir de clore le débat.
C'était sans compter sur la détermination de mon ombre lumineuse. Elle ne bougea pas d'un pouce. Agenouillée et en larme elle aurait ébranlée la plus solide des volonté. Mais la mienne restait malgré tout intact preuve que je n'étais pas digne de sa peine.
- Léve toi Saphira, m'exasperais-je, et ne t'en fais pas pour mon âme je ne crois pas que le pacte de nos lignées s'étende jusqu'à la mort.
Ce trait d'humour que j'espérais léger n'eut pas l'effet escompté. A croire que rien ne pouvait lui faire passer son désir idiot de sauver mon âme.
- Vous savez très bien qu'il ne s'agit pas de cela, rétorqua-t-elle
Je détestais la voire ainsi. Pourquoi était-elle si attachée à moi ? Ces dernières années j'avais pourtant tout fait pour instaurer une distance émotionnelle entre elle et moi. Je n'avais pas utilisé notre lien psychique et je m'étais assuré qu'elle se créait d'autres attaches. Mais Saphira était fidèle, trop pour son propre bien.
- Je ne le sais que trop bien. Néanmoins je ne mérite pas ton affection. Je suis trop sombre pour l'amour d'une soeur ou même d'une amie, lançais-je froidement.
- Non, protesta-t-elle vivement, vous êtes tous ce dont ce royaume a besoin : force, justice, lumière vous êtes celle que nous avons tant espéré Cattleya , si non je ne serait pas là;de plus,ajouta-t-elle plus bas, vous êtes la seule vraie famille qu'il me reste et je me refuse à vous laisser consumer par la haine des Delacus.
- Et que peux-tu y faire Saphira? demandais-je sur un ton railleur.
Je voulais la blesser. Mais au final celle qui ressortirait le plus meurtri de cette discussion, ce serait moi et j'en étais consciente.
- Moi rien mais Damian, lui peut vous ramener. Il peut faire cesser le conflit intérieur qui vous habite depuis déjà trop longtemps, dit-elle en baissant les yeux.
Là je su que la suite n'allait pas du tout me plaire.
Damian..., Saphira n'était décidément pas en reste au jeu de dupe. Tout comme moi elle savait abattre les cartes qui faisaient le plus de mal.
- De quoi parles-tu Saphira? Qu'as-tu fais ? la pressait-je.
Ce prénom avait fait ressurgir tant de chose enfuie en moi. Elle le savait. Pour cette raison elle l'a invoqué à l'instar d'un mantra.
Mais tout ce qu'elle arrivera à faire c'est me blesser en se blessant elle-même.
- Je savais que vous auriez besoin d'aide. De quelqu'un qui vous
sauverait, avoua-t-elle, alors je l'ai contacté. Il n'a pas était facile à retrouver. Mais avec l'aide de L'escouade je lui ait envoyé une lettre il y a deux semaines. Il se trouve à Olaria et je ...pardonnez-moi mais je....
- A-t-il donné une réponse ?l'interrompis-je me retenant de lui
sauter à la gorge pour l'etriper
- Non, dit-elle,
mais je crois qu'il est en route...
- Tu crois...
Mon regard était aussi froid et tranchant que la mort elle-même, tout ce qui me retenait d'exploser était mon lien avec Saphira.
... je vais te dire ce que je croyais, sifflais-je, je croyais que sur cette vaste planète peuplé de lâche et de traître il n'y avait que nous. Toi et moi, liées par un lien ancestrale encore plus complexe et indissoluble que n'importe quel lien du sang. Je croyais pouvoir te faire entièrement confiance, alors tu es la seule personne que j'ai toujours cru digne de confiance et inconditionnel. Parce qu'après tout ce que l'on a vécu côte à côte. Je pensais savoir qu'après tout cela même si je ne le faisais pas je pouvais placé toute ma confiance en toi. Mais en réalité tu es comme les autres. Prêtes à me trahir en prétextant le faire pour mon bien à la moindre occasion...
- Vous pouvez me faire confiance, objecta-t-elle en interrompant mon monologue
- Sors! criais-je
- Mais je...
-Va t-en c'est un ordre va retrouver les autres, lui ordonnais-je sans lui laissé l'occasion de s'expliquer.
Mère disait toujours que lorsqu'il nous arrivait d'être submergé par la rancoeur, il fallait prendre du recule. Moi je n'ai jamais étais du genre à reculer. De quel droit agi-t-elle en mon nom? Damian nous as trahis il a fuit nous abandonnant au palais et à ces vipères qui le peuplent. Et elle ose le contacter si jamais il a l'audace de revenir Irma n'aura même pas à le faire tuer, car je m'en chargerait pour elle.