- Bien, reprit-elle en lui cédant le passage. Ne sachant pas quand tu devais revenir, j'ai préparé pour moi seule. Donc débrouille-toi avec le peu qu'il y a dans la marmite. Je vais chez Adèle, je reviens tout à l'heure
Jackson rentra dans sa chambre et s'assit sur son lit. Il ne comprenait rien. Ça fait juste deux semaines qu'il a été libéré, après avoir passé six mois dans un centre de correction. En temps normal, ce temps passé à faire des travaux d'intérêt général devrait lui avoir changé ses idées, mais on dirait que ces six mois et ce qu'il y avait enduré et vécu étaient passés sur lui comme l'eau sur le dos d'un canard.
« Mais bon Dieu, qu'est-ce qui m'arrive souvent ? » se dit-il. Avec une mention très bien lors de l'entrée en sixième, il était parti pour être toujours parmi les meilleurs. Sauf que le lycée l'a changé, ou alors c'est ces nouveaux copains les coupables ? Entré au lycée à onze ans, sa mère savait qu'il en sortirait à l'âge de dix-sept ans, an grand maximum. C'était sans compter les deux ans de sixième, deux ans de cinquième, deux ans en quatrième, et le voici à sa deuxième année en troisième. Année qu'il a déjà raté à cause de six mois d'absence, ce qui signifie qu'il va devoir faire la troisième trois fois. Que diable lui est-il arrivé ? Dix-neuf ans en troisième ? Où jamais a-t-on vu ça ? Si oui, pas avec des exploits pareils aux siens en primaire. Jackson ne comprenait rien du tout. Il était perdu, et c'est dans cet état d'esprit que le sommeil l'emportât. Il s'endormit sans que sa mère ne soit rentrée.
- Jackson ? Jackson ?
- Maman ? dit-il en ouvrant les yeux
- Oui, c'est moi, qui d'autre voulais-tu que ce soit ? Il est dix heures et le bon monsieur est encore au lit
- Mais maman, je devais faire quoi d'autre ?
- Rien, rien du tout. Tu comprends noor, regardez-moi sa tête. Tes amis et camarades sont en plein dans leurs cours, en vue de préparer leur examen, toi tu as gâché une année scolaire à cause de ta délinquance. L'argent que je suis allée verser pour supplier qu'on te reprenne cette année, bah c'est tombé dans l'eau. Tu ouvres ta large bouche pour me demander ce que tu devais faire d'autre. Vraiment hein, parfois je me demande comment Dieu peut donner de vrais enfants aux autres et me donner un garçon pareil. Tu me déçois, tu entends noor, tu me déçois
- Mais m'man c'est...
- Hey maaf, tais-toi là-bas, c'est quoi ? Tu veux dire quoi ? Que tu ne sais pas comment ça arrive ? Bah laisse-moi te dire que c'est toi qui agis à chaque fois. Parce que tu veux montrer que tu es déjà grand, tu ne peux plus écouter les conseils de ta petite de mère que je suis. De toutes les façons, tu demandais quoi faire d'autre noor, tu peux déjà commencer par aller chercher du bois au champs et faire le ménage pendant qu'on y est. Moi je vais au marché chercher ce que tu vas manger avant de continuer à me manquer de respect. Et vu que tu n'as pas manger hier, je te laisse manger ce qui était prévu. À ce soir, conclut Ericka en sortant de la maison sans laisser l'occasion à son fils d'ajouter un mot.
Selon elle, il devait encore débiter des histoires sordides comme quoi il ne sait pas ce qui le pousse à le faire. « Pff, des histoires », se dit-elle en disparaissant au loin.
....................
- Ericka ? Ericka ? cria une voix de femme au loin en se rapprochant. Ericka ? Dieu merci tu es là
- C'est quoi Julie ? Pourquoi tu cries mon nom dans tout le marché ?
- C'est Jackson, répondit Julie, toute haletante.
- Quoi encore ? Qu'est-ce qu'il a encore fait celui-là ? demanda Ericka sans trop prêter attention à ce que sa voisine racontait
- Il est à l'hôpital en train de mourir
Ericka sauta sur ses pieds quand elle entendit que son fils mourrait
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Depuis quand ?
Elle n'attendit même pas que Julie réponde à cette suite de question.
- Nadège, stp tu fermes ma boutique, cria-t-elle avant de partir en courant vers la clinique du village qui heureusement n'était pas très loin du marché.
- Hey, mais attends-moi donc, cria Julie en la suivant tant bien que mal, étant donné qu'elle était déjà fatiguée après la course qu'elle avait faite pour venir prévenir Ericka.
Elle entra en trombe et trouva Sonia assise au chevet d'un lit sur lequel était couché Jackson. Connaissant ce qui les liait, elle ne prit même pas la peine de lui demander ce qu'elle faisait là, encore moins de lui adresser une salutation quelconque.
- Que lui est-il arrivé ? demanda-t-elle à l'infirmière qui venait de finir les premiers soins sur Jackson et qui s'apprêtait à sortir.
- Vous devriez lui demander, répondit-elle en pointant du doigt Sonia
- C'est à vous que je demande, insistât Ericka
- C'est juste que c'est elle qui l'a emmené, aidée d'une autre femme. Donc en réalité c'est elle qui sait ce qui s'est passé madame
- C'est vous qui prenez soin de lui, donc dites-moi juste ce qui lui est arrivé
Vu le ton élevé de Ericka, l'infirmière prit peur
- Je n'en sais rien madame. Il est arrivé avec une blessure ouverte au niveau de son pignet. Il a perdu beaucoup de sang, et n'eut été l'intervention de ces braves dames, s'il était arrivé dix minutes plus tard, je ne sais pas si on aurait pu le sauver.
Ericka se retourna vers Sonia, mais elle était trop orgueilleuse pour la remercier. Elle la regarda d'un regard qui témoignait à suffisance la rage qu'elle avait.
« Je ne sais pas madame, je l'ai trouvé couché au sol dans sa chambre, baignant dans son sang et inconscient. J'ai crié et c'est la voisine qui est venue m'aider à la transporter ici », débita Sonia sans interruption et sans qu'on ne lui ait posé une quelconque question. Ericka savait au fond d'elle qu'elle devrait la remercier pour son geste, mais son orgueil était plus fort qu'elle et l'emportant. Elle se retourna vers l'infirmière qui observait la scène perplexe.
- Merci madame, merci pour avoir sauvé mon fils
- Vous devriez lui dire merci, c'est elle qui l'a emmené ici, si elle ne l'avait pas fait, nous n'aurions rien pu faire. Donc c'est à elle que reviennent d'abord les éloges
- Je vous dis d'abord merci, elle on va gérer plus tard
- De toutes les façons. Et si ça peut vous aider et vous calmer, bien que je ne sache pourquoi vous avez cette rage envers elle, sachez juste qu'elle n'est pour rien dans ce qui arrive. Votre fils a essayé de se suicider, et si cette jeune femme n'était pas arrivée à temps, on ...
- Attendez, comment ça il a essayé de se suicider ? ça veut dire quoi ?
- Madame, il avait deux veines du poignet coupées, et aux vues des entailles on dirait qu'elles ont été faites à l'aide d'un couteau de cuisine ou d'une lame très tranchante
- C'est avec le couteau, j'ai trouvé un couteau à côté de lui, renchérit Sonia
- Hey l'enfant-ci, tu vas me faire voire de toutes les couleurs. C'est encore quelle histoire ça ? Hein Jack ?
Ericka débitait des phrases, bien que sachant que Jackson n'écoutait pas, puisqu'il était encore dans le coma.
- De toutes les façons, merci madame, dit-elle à l'infirmière à la fin
- Je vous en prie, répondit l'infirmière en sortant.
..........................
Jackson passa environ trente-six heures dans l'inconscience. Il avait perdu tellement de sang qu'il fallu lui en transfuser trois poches.
Pendant ce temps, Ericka et Sonia se regardaient comme chien et chat. Chaque fois que Sonia passait prendre les nouvelles de son ami, Ericka lui lançait un regard des plus farouches.
- Ericka, tu peux me dire ce que tu reproche au juste à cette fille ? lui demanda Julie, le soir du lendemain.
Julie était passée prendre les nouvelles de Jackson. À son arrivée, Ericka était sortie chercher à manger. Sonia lui raconta comment Ericka l'avait mal vue et ne voulait plus d'elle dans les environs. Julie était perplexe et ne croyait pas, jusqu'à ce que Ericka revienne. Elle avait acheté à manger et quelques friandises, mais sans tenir compte de Sonia.
- Qu'est-ce que je lui veux comment ? ça veut dire quoi ?
- Ericka, j'ai vue comment tu la regardes, comment tu l'as méprise du regard. Avant qu'elle ne sorte, on dirait que tu voyais un déchet. Ericka, c'est elle qui a aidé à sauver la vie de ton fils, mais bon sang
- Et puis quoi ? qu'est-ce qui prouve que ce n'est pas elle la cause de tout ce qui est arrivé ? Je lui ai dit plusieurs fois qu'elle avait une mauvaise influence sur lui, mais elle continue toujours à tourner autour de lui
- Dans tous les cas, tu devrais changer ta façon d'interagir avec les autres. Regarde où ça te conduit déjà
- Pardon hein, je ne veux pas de leçon de moral, d'ailleurs ....
Ericka est stoppé dans son élan par un gémissement de Jackson qui essayait de se réveiller. Elle sursauta et couru vers son lit
- Docteur, infirmière ? cria-t-elle
L'infirmière accouru
- Madame, permettez svp, dit-elle en essayant de se frayer un passage entre Ericka et Jackson.
Ericka se leva et se retira. L'infirmière examina Jackson, prit ses différents paramètres avant de se retourner vers la mère qui visiblement était inquiète
- Ne vous en faites pas madame, il va bien. Les somnifères que nous lui avons injectés sont en train de perdre leurs effets. Il va se réveiller très bientôt.
- Merci madame
- Je vous en prie, répondit l'infirmière en ressortant.
- Bon, moi aussi je rentre, dit Julie quelques instants après le départ de l'infirmière
- Comment ça tu rentres ? ça fait à peine une heure que tu es là. Je pensais même te laisser ici pour aller à la maison me changer avant de revenir
- Non, je ne peux pas mettre plus long. Je n'ai pas encore préparé pour les enfants, et tu sais que leur père n'aime pas aussi manger tard. Il faut que je rentre, mais tu pourrais laisser Sonia, elle est juste allée manger. Je pense qu'elle va revenir
- Je ne veux pas laisser cette fille avec mon fils. De toutes les façons, si tu veux rentrer, ça ne dérange pas. Il va rester seul un instant, ce ne sera pas tuant.
- Comme tu veux.
Jackson quitta l'hôpital environ trois jours plus tard, après y avoir passé environ une semaine.
- Madame, vous devriez mieux veiller sur votre fils. Il risquerait ne pas avoir autant de chance la prochaine fois, lui avait dit l'infirmière lorsque Ericka alla payer la facture
- Je le ferais madame, promis. Merci encore pour tout ce que vous avez fait pour nous.
- Je vous en prie.