-Merci, j'en rêve depuis des jours.
-Plus que de te récompense ?
-Pas à ce point là non plus.
-Je m'en doutais un peu, continue t-il en bougeant à nouveau ces doigts avant qu'une liasse de billets n'apparaisse.
-Sans avoir à compter, je dirais qu'il en manque.
-Tout comme je dirais que je n'ai pas encore eu le plaisir de voir la marchandise.
J'avale une gorgée avant de lui sourire et de sortir de ma poche ce petit sachet en plastique, ce petit morceau de peau si précieux. Je vois son regard briller, s'illuminer. Il attend ça depuis des semaines tout comme moi. Il faut dire que cette fois il m'a presque demandé l'impossible. Un sorcier de ce rang est rare à approché et encore plus à tuer, sauf quand on sait comment s'y prendre.
-Bien joué. Je savais que je pouvais compter sur toi, déclare t-il sans même essayer de cacher cette avidité dans ces mouvements, dans son sourire, dans son regard.
Je ne me berce pas d'illusions, il me vendrait si il en avait l'opportunité mais je dois dire qu'il paye bien, du moins quand la morale n'est pas un problème, ce qui est mon cas. Un nouveau mouvement de doigts et c'est une mallette qui fait son apparition., ouverte et emplie de liasses de cette couleur qui me plaît tellement.
-C'est un véritable plaisir de faire affaire avec toi Stephan.
-Je te retourne le compliment Lily. J'étais sûr que tu y arriverais. Je ne pouvais confier cette mission qu'à toi. Et ce cocktail, tu aimes ?
-Comme toujours, tu fais les meilleurs, dis-je en buvant une nouvelle gorgée. Je peux m'asseoir ?
-Bien entendu, répond t-il en faisant un geste de la main pour faire apparaître un fauteuil.
-Si seulement il n'y avait pas autant d'argent entre nous, dis-je en me laissant tomber dans ces coussins moelleux.
-Rien n'est vraiment noir où blanc.
-Il y a toujours des nuances de gris, de multitudes de nuances qui offrent chacune une possibilité différente.
On a si souvent ce début de conversation, celui où je lui fais comprendre qu'il pourrait y avoir plus si seulement l'espace d'un certain laps de temps on oubliait qui on est. Aucune nana ne pourrait rester insensible, brun, un mètre quatre vingt avec quelques tatouages bien placés comme celui dont on devine une partie dans son cou sans en avoir un aperçut global. Typé asiatique avec un petit air mystérieux, énigmatique. Si seulement il n'était pas celui qu'il est.
Néanmoins, on sait tout les deux que cette mission était particulière. J'ai pris des risques pour pister ce sorcier, pour lui prendre sa marque. J'aurais pu me faire repérer, surtout au vue de sa position dans la hiérarchie des sorciers.
-Tout c'est bien passé, demande t-il par politesse.
-Je suis une professionnelle. Bien sûr que ça c'est bien passé. J'aimerais juste que la prochaine fois tu ne me mettes pas dans ce genre de situation.
-Tu n'as pourtant pas hésité quand je te l'ai proposé.
-Bien sûr, tu sais comment m'appâter, mais ça ne change rien. Cette mission a traîné en longueur pour me laisser un petit goût d'insatisfaction, c'est à peine si il s'est défendu. Je m'attendais à mieux, à bien mieux venant d'un sorcier comme lui.
-N'importe qui a ta place aurait échoué dans cette mission.
-Alors pourquoi est ce que ça m'a semblé si facile ?
-Parce que c'est toi Lily. Uniquement pour cette raison.
Je termine mon verre en silence. D'ici peu, d'autre de mon genre viendront à leur tour pour lui donner ce qu'il leur a demandé. Il est temps que je rentre chez moi et surtout que je prenne une bonne douche. Je ne sais pas ce qu'il compte faire de cette marque, mais ça ne me concerne plus. Tant que j'ai mon argent, c'est tout ce qui m'importe.
Je me relève en silence et referme cette mallette qui est dorénavant mienne. Il m'observe durant quelques secondes avant de se lever à son tour.
-Tu as d'autres missions en vues dans les prochains jours ?
-Pas dans l'immédiat.
-Il se pourrait que je te recontacte rapidement.
-Tant que tu payes, tu sais que je vais venir.
Je me permets un dernier sourire, il est l'un des rares que je n'aurais jamais dans mon lit, je le sais même si on en a tout les deux envie, il y aurait conflit d'intérêt et ça je ne peux me le permettre, pas plus que lui et le bisnes florissant sur lequel il règne.
-Tiens toi prête, ajoute t-il en effleurant ma main.
-Je le suis toujours.
Je ne m'attarde pas, ça ne sert à rien. On sait tout les deux que ça n'ira pas plus loin que nos flirts habituels. Je suis quasiment à la porte quand je me retourne vers lui et son sourire satisfait.
-Si les chasseurs viennent me rendre visite je n'hésiterais pas à donner ton nom, rappelles toi le pour ta prochaine mission.
-C'est pour ça que je t'ai choisis toi. Parce que je savais que tu allais réussir et surtout parce que je savais à quoi m'en tenir. Je te contacte très vite Lily.
Je ne réponds pas, ça ne sert à rien. Et comme à chaque fois, j'utilise un portail pour repartir. Question de discrétion. J'arrive directement dans mon salon où je dépose la mallette sur la table qui ne sert quasiment jamais. J'ai besoin d'un autre verre et d'un bon bain moussant, bien chaud, le tout accompagné d'un peu de musique. Bob mon chat vient rapidement se frotter à mes jambes en sentant ma présence. On pourrait trouver ça étrange qu'un être comme moi puisse avoir un animal de compagnie, mais ce chat est différent. Je l'ai trouvé lors d'un contrat, il avait été blessé durant mon affrontement avec son ancien maître. Je ne serais dire pourquoi mais je ne me suis pas sentis de le laisser là, étendu sur le sol, courant à sa perte si je ne me penchais pas pour l'aider.
Je l'ai ramassé, emmené chez un véto, soigné durant des semaines jusqu'à ce qu'il puisse se déplacer seul. Jusqu'à ce qu'il soit autonome. Il aurait pu partir, il le peut toujours d'ailleurs mais il ne le fait pas. Il reste avec moi. Il reste à me tenir compagnie. Sa présence me fait du bien, j'adore lézarder devant la télé en le caressant pendant qu'il ronronne contre moi.
Il me suit jusqu'à la cuisine où je lui donne à manger avant de me servir un verre et de foncer vers la salle de bain. Je fais couler l'eau tout en choisissant sur mon portable la playlist que je vais lancer. Je ne prends pas la peine de choisir des vêtements pour la suite, ça ne sert à rien, il n'y a que moi et Bob ici. Au bout de quelques minutes, après m'être déshabillée, je m'enfonce dans ce liquide chaud et réconfortant tout en gardant mon verre en main.
Une fois allongée, je pousse un profond soupire de soulagement. Il y a des jours que j'attends ça, des jours que je me sens sale. Bob vient rapidement voir ce que je fais comme il en a l'habitude avant de disparaître pour vivre sa vie. La musique résonne, les accords de guitares font leur effet. Je me détends, mon corps retrouve le confort auquel il est habitué.
C'est tellement bon, je ne devrais pas me priver de ce plaisir même pour une telle somme d'argent. En portant mon verre à mes lèvres, je ne peux m'empêcher de me questionner. Stephan ne me fait jamais appel à moi plusieurs fois d'affilés en seulement quelques jours. Tout comme il ne me demande pour ainsi dire jamais une marque de cette puissance.
Je sais que pour certaines potions, pour certains sorts, un sacrifice de ce genre peut donner des résultats qui vont au delà de l'espérance mais pourquoi est ce que le grand vendeur prendrait un tel risque ? Pourquoi est ce qu'il enverrait un être tel que moi tuer un sorcier aussi puissant, même si il se trouvait sur un autre continent. Derrière le son de la musique je parviens sans mal à entendre Bob qui est retourné à sa gamelle, qu'importe les distractions, je suis conditionnée pour être toujours sur mes gardes, aux aguets.
Le temps s'écoule lentement, les chansons défilent. Je me sens sombrer petit à petit jusqu'à ce que je sursaute en entendant mon portable sonner. La nuit est tombée depuis longtemps, il y a peu de chance que ça soit un appel de courtoisie. À regret je me redresse pour récupérer mon portable avant de me tendre en voyant le nom affiché sur l'écran. Luke, le dirigeant actuel des chasseurs du pays. Je n'aime pas avoir à faire avec eux.
Je soupire avant de décrocher, il vaudrait mieux pour Stephan que ça n'est à voir avec ma dernière mission.
-Je n'étais pas sûr que tu répondrais, dit-il en guise de bonjour.
-Comme si j'avais le choix Luke. Que me vaut l'honneur de cet appel tardif ?
-Je veux que tu viennes au quartier général. Demain à la première heure, où plutôt dans quelques heures maintenant.
-Moi, au quartier Général ? Pourquoi ?
-Tu ne sera pas seul. D'autres créatures seront également là.
-Je recommence, pourquoi ?
Je l'entends soupirer à son tour. On se connaît depuis un moment déjà. Il a déjà essayé de me recruter à plusieurs reprises en m'expliquant que je serais une chasseuse hors paires ce que bien sûr j'ai refusé. Je ne vais jamais au quartier général, je n'aime pas y mettre les pieds comme la majorité des créatures d'ailleurs. Il y a beaucoup trop de règles là bas. Tout est trop carré pour que je m'y sente bien.
-Je n'ai pas particulièrement envie de m'étendre au téléphone. Mais pour faire court, il y a visiblement dehors une créature qui s'amuse à en tuer d'autres. J'ai déjà cinq corps sur les bras. Voilà pourquoi j'organise cette réunion en urgence.
Aussitôt, je repense au sorcier de cette nuit que j'ai tué. Je doute qu'il parle de lui, il est dans un autre pays, sur un autre continent, loin de son radar à problèmes.
-Je vois pas ce que j'ai à faire là dedans.
-Tu comprendras quand tu seras là. Écoutes, je sais que tu n'aimes pas venir au quartier général mais la situation est suffisamment grave pour que je sois forcé d'organiser cette réunion en urgence.
Sa voix est plus grave que d'habitude. Des créatures meurent tout les jours, ça n'a rien d'exceptionnel. Il ne réagit sûrement pas de la sorte pour une simple mort, ça cache forcément autre chose.
-OK, je serais là.
-Parfait. Je te laisse dormir, on se voit toute à l'heure.
Il raccroche sans même me laisser le temps de répondre. Fini le bain chaud et l'instant de détente. Je n'aime pas ça, aucun être comme moi n'aime être appelé par le directeur des Chasseurs et encore moins le rencontrer. Je ne comprends pas ce qu'il veut, ce qu'il attend de moi mais en quelques secondes, son appel à suffit à me faire sortir de cet état d'épuisement dans lequel je m'enfonçais.