Chapitre 4 La rentrée

Nell

Je grommèle en enfourrant mes affaires dans mon sac pour aller au lycée, alors que je ne fais que penser à la façon dont elle m'a doublé hier, alors que je tenais très bien mieux la route qu'elle. Je m'en veux d'avoir cru un instant qu'elle me laisserait prendre le dessus, et j'ai perdu mes chances de vérifier de mes yeux sa présence à Main Street. J'ai dû me contenter de ces foutues vidéos en ligne, qui pour ma part, ne prouvent rien. C'est juste une Ducati avec un gars qui se prend pour le Speed Breaker. Même si j'avoue qu'il a battu tous ces adversaires durant cette nuit. Je soupire une nouvelle fois en regardant la dernière vidéo mise en ligne, rageant qu'il n'ait pas enlevé son casque une seule fois.

_ Nell, tu vas finir par être en retard ! Me crie mon père, et j'enfile ma veste, non sans prendre mes lunettes que je ne porte que pour aller en cours.

Il faut dire que je préfère rester discrète depuis toujours, et je n'ai pas besoin d'attirer l'attention de quiconque dans ce lycée pouilleux. Mon père me critique toujours sur ma façon de m'habiller qui est plus que décontractée, avec mon jeans noir troué et évasé, tout comme mon éternel sweat-shirt à capuche. J'ai beau lui dire que je n'ai pas besoin d'amis pour aller au lycée, j'ai droit une nouvelle fois à ce foutu sermon de début d'années.

_ Tu as eu dix-sept ans en février, et tu l'as passé en regardant des vidéos sur ton lit. Me fait-il, totalement dépassé par mon attitude.

_ Tu préfèrerais que je sorte m'envoyer en l'air, et que je boive à ne plus me souvenir de rien. Lancé-je, en avalant mon chocolat tiède.

_ Nell Meyers ! S'écrie papa, outré une fois de plus de la façon dont je viens de lui répondre.

Je prends une bonne inspiration, et je lui ai fait un sourire pincé pour m'excuser. Celui-ci revient donc sur le fait qu'un minimum de féminité ne me ferait pas de tort, et que je devrais arrêter de cacher mes magnifiques yeux verts derrière ses hublots qui ne me servent à rien. Car oui, je porte des verres très épais, mais je n'ai absolument aucun problème de vue. Ceux-ci sont aussi fictifs que mon attitude durant la journée. Car ce n'est que la nuit que je suis moi-même, mais c'est un sujet que papa ne doit jamais connaitre. Un jour, quand j'aurai réussi à le battre et que je l'évincerai de sa place de surhomme ; je pourrai tout lui dire. Mais en attendant, je préfère rester dans mon ombre et ne surtout pas l'inquiéter par ma double vie.

Enfin, celle que je finirai par avoir quand je réussirai à battre Ruby.

J'embrasse papa qui me souhaite une bonne journée, et je sors de cet appartement en soupirant quand mon portable vibre dans ma poche.

Ruby : " Arrête de râler, et amuse-toi au lycée !"

_ M'amuser ?! Lancé-je en descendant les escaliers.

Je me demande si elle me connait vraiment ?

Damon

Le réveil résonne dans la chambre depuis plusieurs minutes, mais je n'ai pas le courage de bouger pour l'éteindre. Je regarde les chiffres rouges clignoter sans cesse devant moi, mais je n'ai vraiment aucune motivation à l'instant... ou devrais-je dire aucune force ?

Je n'arrive pas à croire que je me sois fait embarquer toute la nuit dans ses courses, à cause de ce Lord je ne sais quoi. Une chose est certaine, si je voulais passer incognito ; c'est mort. Mon portable était rempli de notifications de nos amis de Brooklyn, qui me félicitaient de mon arrivée en Arkansas et des râclées que je leur mettais. Mais je suis assez surpris que Félicie, Farell et papa ne m'aient rien envoyés. Je sais que je les ai déçus quand j'ai décidé de quitter Manhattan ; mais je pensais sincèrement qu'ils auraient pu faire un effort. Je finis par soupirer, et je tends mon bras pour éteindre ce tintamarre, avant d'ébouriffer mes cheveux.

_ Bon, il serait temps que je me bouge ! Me motivé-je, avant de me mettre sur le dos et d'étirer mes muscles endoloris.

Je prends une douche chaude pour me détendre, et je reviens dans la cuisine torse nu, pour boire ma tasse de café, en regardant les notifications de mon portable quand celui sonne, et un sourire se forme sur mes lèvres en y répondant.

_ " C'est le grand jour". Me fait maman, tandis que je regarde la chemise beige que je vais porter aujourd'hui.

Une chemise que maman m'a achetée pour mon premier jour.

_ Oui. Je vais aller à la rencontre de mes nouveaux élèves. Confirmé-je.

_ "Mais tu n'as pas beaucoup dormi, alors essaie de te reposer quand tu le pourras."

_ Ah, tu es au courant. Fais-je en passant mes doigts dans mes cheveux.

_ "Papa a passé la nuit à regarder toutes tes vidéos avec fierté." Confirme maman.

_ Je vois. Acquiescé-je, comprenant qu'il ne m'a pas envoyé de messages pour tenir sa promesse de me laisser prendre mon envol de mon côté sans me faire de l'ombre.

Mais on sait tous que cela est plus qu'impossible, car où que je finisse par me trouver ; papa est toujours devant moi. Cette nuit me l'a prouvée à chaque course, car quel que soit l'adversaire que j'affrontais ; je ne voyais que papa en lui. J'ai passé la nuit à essayer de le semer, et bien que j'y sois arrivé, je suis toujours dans son sillage à lui.

Maman et moi échangeons encore quelques mots, et elle raccroche en me promettant de lui envoyer un message sur mon ressenti de ma première journée. Une journée qui va mal commencer, si je continue à rêvasser au lieu de me dépêcher. J'enfile ma chemise, ma veste en jeans, et je file hors de l'appartement pour rejoindre ma moto qui se trouve dans le garage. Je regarde celle-ci songeur, me demandant si c'est une bonne idée d'aller au lycée avec. Mais c'est bien plus fort que moi ; il est hors de question que je me morfonde en prenant un bus. Je bondis sur ma selle, et le vrombissement du moteur résonnant dans le garage, je me lance le sourire aux lèvres vers le lycée LRCHS.

Nell

Le lycée est toujours aussi bruyant, et barbant qu'il ne l'a été l'an dernier. Je longe les couloirs à la recherche de mon casier qui bien entendu se trouve au milieu des pestes du lycée. Me voilà déjà bien le premier jour ! Je soupire, et je descends ma capuche un peu plus sur mes yeux, me faufilant le plus discrètement entre elles. Comme toujours, elles parlent de leur nouvelle tenue qu'elles ont achetées pour le lycée, et je me retiens de soupirer devant ces poupées barbies qui représentent tout ce que je déteste. Mes livres placés dans mon casier, je referme celui-ci, non sans me faire encore bousculer par la blonde, reine du lycée qui ne s'excuse pas.

J'inspire une nouvelle fois profondément, et je rejoins la classe de cours où je remarque que celle-ci est plus bondée que je pensais.

_ Je me suis trompée de cours. Fais-je en cherchant le papier avec mon horaire.

_ Salut ! Fait une voix derrière moi, et je sursaute presque sur place, laissant tomber mon papier.

_ Ah, désolé. S'excuse le gars en se baissant pour ramasser mon papier.

Celui-ci se relève et me sourit en me tendant mon papier. Un asiatique ? Le pauvre, il ne sait pas que la bande du fond de la classe ne supporte pas les étrangers. Même moi qui suis une pure américaine, ils arrivent à me prendre en grippe depuis l'année dernière.

_ Je m'appelle...

_ Je ne veux pas le savoir. Le coupé-je, le trouvant bien enjoué pour un nouveau.

Je me contente de rejoindre le premier banc que je trouve près de la fenêtre, et je me couche littéralement sur celui-ci. Je ne suis venue en cours que pour dormir aujourd'hui, et surtout réfléchir à la façon dont je vais battre Ruby. Elle m'a fait espérer jusqu'au dernier moment, et je lui en veux. Ou plutôt, je m'en veux d'avoir été aussi naïve. Je savais à l'intérieur de moi que je ne pourrais pas la battre, et pourtant, j'ai eu cet espoir en moi durant toute notre course. Elle me dit toujours de rester positive. Mais comment puis-je l'être quand je n'arrive même pas à la battre ?

J'inspire profondément cachée dans ma capuche, quand la chaise à côté de moi fait du bruit.

_ Enchanté, je m'appelle Kay. Fait la voix que je reconnais pour être l'asiatique de tout à l'heure.

Sérieusement, il est têtu lui. Je fais mine de dormir comme je le fais toujours quand on me parle. Je n'ai pas besoin de leurs amitiés qui ne durent que le temps de la rentrée, et qui se finissent par des regards lointains, parce qu'ils ont trouvé mieux. Moi, je veux seulement qu'on me laisse seule, et surtout tranquille.

Kay

Je regarde cette fille cachée sous sa capuche qui ne me répond toujours pas, et je soupire en regardant devant moi. Les gens de cette ville ne sont pas très accueillants. Je pensais qu'en montrant mon air enjoué, je pourrais au moins me faire un ami le premier jour, mais il faut croire que cela ne se passera pas comme je le souhaitais. Mais à quoi je pensais ? C'est toujours la même chose avec moi depuis que je suis petit. Mes parents m'ont adopté en Corée du sud quand j'avais six ans, et depuis mon arrivée dans leur famille ; nous n'avons pas arrêté de déménager sans cesse pour le travail de James, mon père. Celui-ci travaille comme banquier, et dernièrement il a été muté à Little Rock. Donc, nouvelle maison, nouvelle ville, et nouveaux amis.

Je fais le tour de la classe du regard, quand un grand blond me toise. Je reviens directement sur mon banc, regardant mes doigts où se portent mes bagues, comprenant que ce n'est certainement pas avec eux, que je lierai des amitiés. Je me frotte la nuque, regardant à nouveau la fille qui dort sur le banc, alors que d'autres élèves entrent à leur tour dans la classe.

_ Oh putain ! S'écrie l'un d'eux en s'arrêtant devant mon banc, et je baisse à nouveau le regard.

Il n'est pas question que je me batte le premier jour du lycée.

_ Ne me dites pas que la fille de la jungle est encore avec nous en classe. Continue-t-il en shootant dans le banc à côté de moi, et je suis un instant soulagé que ce ne soit pas à moi qu'il parle.

_ Et arrête de te cacher. Y a que toi qui peux porter cette capuche ridicule au lycée ! Continue le gars en shootant plus fort dans le banc.

Je me sens pour le coup mal pris, voyant qu'il va finir par lui faire mal s'il continue. Mais que puis-je faire au juste ? Je recule ma chaise doucement, inspirant profondément, et bien décidé à lui demander d'arrêter quand une voix masculine résonne dans la classe.

_ Bonjour à tous ! Nous salue-t-il et le gars devant nous, se décide enfin à rejoindre les gars derrière nous.

Je suis soulagé que le professeur soit enfin arrivé, et je me remets en place devant mon banc, jetant un nouveau coup d'œil à ma voisine qui n'a toujours pas bougé. Quelle fille étrange... Mais qui suis-je pour penser de telles choses ?

_ Monsieur Walsh, vous êtes célibataire ? Lui demande une blonde qui est assise sur les bancs derrière nous, et tout le monde reste pendu à ses lèvres.

D'ailleurs, j'avoue que ce professeur n'est pas mal du tout. Il a des cheveux couleurs châtains foncés qui tirent sur l'ébène, la forme de son visage semble vraiment asymétrique, et que parler de la couleur émeraude de ses yeux.

_ Je suis en effet célibataire. Nous informe-t-il.

_ Mais je pense que je ne suis pas ici pour parler de ma vie sentimentale. Continue-t-il avec un sourire qui nous fait apercevoir de magnifiques dents blanches.

Toutes les filles de la classe se mettent à parler de leur déception, alors que les garçons se mettent à râler sur le fait qu'on est en cours, pas dans une classe de drague.

Mais le bruit soudain qui provient de ma gauche attire mon attention.

_ Walsh ! S'exclame ma voisine qui semble enfin s'intéresser à ce qui se passe.

Et alors que je pose mon regard sur elle, je vois une haine pure dans son le sien qui se pose sur le professeur, avant qu'elle ne se lève pour quitter la classe.