Liens Sauvage

Dix huit ans plus tôt.

- Hélène ? Ma puce où es-tu ? Réponds-moi s'il te plait!

Je ne sais pas pourquoi ce jour-là, je n'ai pas écouté ma mère lorsqu'elle m'appelait dans la forêt. À cinq ans, on a l'impression d'avoir des ailes, de se sentir libre et insouciant. J'inspire à plein poumon l'air frais du mois d'octobre et étends mes bras comme un avion. Mon écharpe s'accroche aux branches des arbres. Je tire dessus pour me défaire de leurs étreintes. Je continue ma course en direction d'une partie de la forêt que je ne connais pas encore.

Je rigole et cours encore plus vite. J'entends derrière moi maman, mais ses appels se font plus lointains.

Je bifurque derrière un énorme rocher et décide de continuer ma partie de cache-cache derrière le gros chêne au tronc tordu. Reprenant ma respiration, je jubile d'avance à la tête que maman va faire en me retrouvant. « Je vais l'accueillir avec un gros Bouh ! ».

Je me rends compte que mes belles chaussures vernies sont pleines de boue. Je vais me faire gronder. Je frotte le bout de mes pieds dans les feuilles que l'automne a fait tomber. Quelque chose sur le sol attire mon attention. Je me baisse et passe mes doigts gelés sur une trace de patte. C'est comme celle de notre chien Filou, peut-être plus grosse.

Je me relève et essuie mes mains sur mon pantalon. Mince ! Encore de la boue sur mes vêtements. Maman va être furieuse. Je me redresse après mon inspection. J'entends quelqu'un se rapprocher alors je me place prête à bondir sur ma maman.

Mais je me retrouve face à un gros, très gros chien gris argenté. Je fixe ses yeux bleus. Moi, je n'ai pas peur des chiens, d'ailleurs, ils m'adorent. Je décide de m'approcher de lui. Je tends une main dans sa direction. Il baisse les oreilles et recule d'une patte. Il retrousse ses babines en grognant légèrement.

- Toi, tu n'es pas gentil parce que moi, je suis gentille avec toi ! Je croise mes bras sur ma poitrine en boudant.

La bête arrête de grogner et me fixe comme si elle comprenait les reproches que je lui adresse. Changeant son comportement, elle s'avance vers moi.

Plus proche, je me rends compte qu'elle est énorme ! Sa tête me dépasse et je me sens toute petite. Pourquoi je lui ai parlé ? Elle baisse sa tête et pose sa truffe sur ma joue. Je crois que je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. J'ai envie de crier d'appeler ma maman, mais je ne peux pas.

Je sens une autre présence dans mon dos. C'est une autre bête. Le loup gris relève la tête et se remet à gronder. Je risque un regard derrière moi. J'aperçois un loup brun. Je n'ai pas le temps de comprendre, qu'une douleur dans mon dos me projette au sol.

Et puis tout est devenu noir...