Chapitre 1
Chapitre 1
Cette première humiliation, il ne l'avait pas vue venir. Pour lui, tout avait commencé par un rêve, par cet amour qu'il avait cru partagé avec Freya, sa Luna tant attendue. Depuis des semaines, il travaillait sans relâche, rassemblant force et courage pour lui offrir cette pierre de lune, symbole de puissance et de protection, héritage sacré dans leur culture. Il l'avait fait pour elle, pour qu'elle soit fière de lui, pour qu'elle voie combien il était prêt à sacrifier pour son bonheur. Chaque jour, chaque nuit, il n'avait eu qu'elle en tête. Elle, avec ses yeux envoûtants et son sourire charmeur, elle qui était la fierté de la meute, cette créature parfaite à ses yeux.
Mais ce matin-là, lorsqu'il était enfin prêt à lui remettre le précieux bijou, tout bascula. Ses pas le conduisirent instinctivement vers la clairière, là où Freya avait l'habitude de s'isoler. Mais alors qu'il approchait, des rires étouffés lui parvinrent, des éclats de voix qu'il ne reconnut pas immédiatement. Ce n'est que lorsqu'il entendit le murmure de Freya, empreint d'une tendresse qu'il pensait lui être réservée, qu'il comprit que quelque chose n'allait pas. Il s'avança, hésitant, la pierre de lune serrée dans sa paume, et se figea à la vue du spectacle qui se déroulait devant lui.
Freya était là, dans les bras d'un autre. Non, pas un autre, mais Kellan, son bras droit, son Beta, celui en qui il avait placé toute sa confiance. Leur étreinte était douce, intime, bien trop intime pour qu'il puisse feindre de ne rien comprendre. Il sentit son cœur se briser en mille morceaux, chaque éclat se plantant douloureusement dans sa poitrine, comme si une partie de lui se disloquait, se perdait à jamais.
Avant qu'il ne puisse détourner le regard, Freya leva les yeux et le vit. Au lieu de se troubler ou de se sentir prise au piège, elle eut l'audace de sourire, un sourire froid, moqueur. Kellan se retourna, un rictus arrogant aux lèvres, et lui lança un regard de défi, comme s'il n'avait jamais été son Beta, mais plutôt un rival depuis toujours. Une vague de rage et de douleur traversa l'Alpha, mais il n'arriva même pas à bouger, paralysé par l'intensité de sa peine.
« Oh, regarde qui voilà, » lança Kellan avec un ton railleur. « L'Alpha en personne. Quelle surprise. »
Freya gloussa, posant une main sur l'épaule de Kellan comme pour l'encourager à continuer. Chaque geste, chaque mot, chaque regard semblait calculé pour le détruire un peu plus. L'Alpha voulut dire quelque chose, mais aucun mot ne vint. Sa gorge était nouée, sa voix étouffée par l'amertume et l'incompréhension.
« Tu croyais vraiment que je resterais avec toi, » ajouta Freya, croisant les bras d'un air dédaigneux. « Pauvre fou. Tu pensais qu'une simple pierre de lune allait suffire ? Que quelques sacrifices te rendaient digne de moi ? »
Son ton était acéré, cruel, et chaque mot était un coup de poignard dans le cœur de l'Alpha. Il n'avait jamais imaginé que celle qu'il aimait puisse se moquer de lui de cette manière, se jouer de ses sentiments, de sa loyauté, de ses efforts. Toutes ces nuits passées à veiller sur la meute, à protéger leur foyer, à prendre des décisions difficiles, semblaient soudainement n'avoir aucun sens. Il n'était plus qu'un homme brisé, incapable de comprendre ce qu'il avait fait pour mériter une telle trahison.
Kellan, voyant l'effet dévastateur de leurs paroles, se permit un rire arrogant et posa une main possessive sur la taille de Freya. « Tu n'as jamais été à la hauteur, Alpha, » murmura-t-il. « Ce rôle aurait toujours dû être le mien. »
Le mot « Alpha » fut craché comme une insulte, un rappel brutal de tout ce que Kellan méprisait chez lui. L'Alpha tenta de se redresser, de reprendre le contrôle, de trouver la force de répondre, mais les mots se dérobaient à lui. Comment pouvait-il affronter ce double coup de poignard ? D'un côté, la femme qu'il aimait l'avait trahi, et de l'autre, son plus proche allié l'avait trahi.
Freya, voyant qu'il restait figé dans son silence, éclata de rire. « Voilà, c'est ça ton Alpha ? Un loup silencieux, sans réponse, sans force ? »
Les paroles résonnèrent dans l'air comme une sentence. Autour d'eux, quelques membres de la meute s'étaient arrêtés, attirés par les voix et l'aura de tension qui s'émanait de la scène. Bientôt, une petite foule s'était formée, observant cette humiliation publique sans savoir comment réagir. Certains semblaient hésiter, d'autres chuchotaient entre eux, incapables de détourner les yeux de cette confrontation inattendue.
L'Alpha sentait chaque regard sur lui, chaque murmure le perçait comme des flèches invisibles. Il devait faire quelque chose, dire quelque chose, montrer à la meute qu'il n'était pas aussi faible qu'ils le pensaient. Mais le poids de la trahison, de l'humiliation, de la douleur le paralysait, le clouait sur place.
Kellan, profitant de cet instant de faiblesse, leva la voix pour s'adresser à la meute rassemblée. « Est-ce vraiment l'Alpha que vous voulez suivre ? Un loup incapable de défendre son propre honneur, qui se laisse humilier sans même réagir ? Moi, je vous offrirais un avenir digne de notre meute. Un avenir fort, où les faibles ne sont pas tolérés. »
Les mots de Kellan enflammaient les esprits. Il savait parfaitement manipuler les émotions, jouer sur les doutes et les craintes de chacun. Petit à petit, certains membres de la meute acquiesçaient, d'autres échangeaient des regards, comme s'ils réalisaient soudain qu'une alternative à l'Alpha était possible. Le doute s'installait, glissant comme un poison dans les rangs.
Freya, toujours aux côtés de Kellan, jeta un dernier regard de mépris à l'Alpha avant de poser une main sur l'épaule de Kellan. Elle semblait rayonnante, comme si elle avait enfin trouvé sa place, sa vraie place, auprès d'un loup qu'elle considérait digne d'elle. « Tu n'as plus rien à faire ici, » lui murmura-t-elle assez fort pour que toute la meute entende. « Nous n'avons plus besoin d'un Alpha faible. »
Ces mots furent la goutte d'eau qui fit déborder le vase. La honte, le chagrin, la colère, tout cela fusionna en lui dans un torrent de ressentiments et de regrets. Mais au fond de ce tourbillon d'émotions, quelque chose d'autre émergea : une froide détermination, un désir de reprendre le contrôle, de restaurer son honneur. Il serra les poings, promettant intérieurement qu'il se relèverait, qu'il ferait payer à Kellan chaque insulte, chaque humiliation, et que Freya elle-même regretterait amèrement d'avoir piétiné son amour et sa confiance.
Alors qu'il s'éloignait, le regard fixé sur l'horizon, il sentit une lueur d'espoir naître au milieu de ses ténèbres. Il n'avait peut-être plus rien, mais il avait encore un héritage, une lignée, une fierté à restaurer. Plus jamais il ne se laisserait humilier ainsi.
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