Elle portait un jean froissé qui épousait malgré tout ses courbes, un tee-shirt noir simple, et des chaussures plates. Ses longs cheveux noirs, soigneusement entretenus, volaient légèrement au gré du vent avant de retomber sur ses épaules. Son teint métissé, éclatant, contrastait avec l'obscurité de la ruelle, et ses traits, malgré la fatigue, restaient lumineux sous le ciel étoilé.
SIARA.
Je m'appelle Siara Dlamini, fille unique de Christophe et de feu Sarah Dlamini. J'ai 18 ans et je vis avec mon père depuis le jour où je suis née... le jour même où ma mère a perdu la vie.
J'ai grandi seule avec mon père, mais il ne m'a jamais donné l'amour qu'un père devrait offrir à sa fille. Pour lui, je ne suis qu'une erreur, une abomination, celle qui lui a volé sa femme. Il me le répète sans cesse : que je suis responsable de sa mort, que je suis une malédiction.
Mais comment aurais-je pu vouloir la mort de ma propre mère ? J'étais un bébé... Pourtant, malgré ses paroles qui me transpercent le cœur, je l'aime. Il est la seule famille qu'il me reste, et pour lui, je me bats chaque jour pour lui offrir un avenir meilleur.
J'ai dû arrêter l'école faute de moyens. En troisième, il a refusé de payer mes frais de scolarité. Alors, j'ai commencé à travailler comme domestique chez notre voisine : nettoyer, laver le linge, m'occuper de ses enfants, tout en allant encore à l'école. Ce petit salaire me permettait de payer mes fournitures et une partie de ma scolarité.
Puis elle a déménagé en ville avec sa famille. Avec mes économies, j'ai commencé à vendre des oranges, des bananes et des ananas. Mais ce n'était pas assez pour payer l'examen, sans compter la nourriture pour moi et mon père.
Oui, lui ne travaillait plus depuis qu'il m'avait interdit d'aller à l'école. Il passait ses journées à boire et à discuter avec ses amis, pour ensuite déverser sa colère sur moi dès que je rentrais.
J'ai continué jusqu'à obtenir mon BEPC, à 15 ans. Mais les responsabilités étaient devenues trop lourdes. Mon corps a commencé à céder, je tombais souvent malade. J'ai dû abandonner l'école pour travailler comme serveuse dans un petit restaurant près de chez nous. Cela fait trois ans maintenant. Trois ans que je nous nourris, que je paie les vêtements, les médicaments...
Et malgré tout, je suis fière. J'ai appris à vivre seule, à supporter les insultes et le mépris. Je n'ai pas d'amis. J'aime la paix et je prie chaque jour pour que mon père me voie enfin autrement.
Après de longues minutes de marche, Siara atteignit enfin la maison. Elle poussa le vieux portail en bois qui grinça légèrement. La cour, petite et propre, baignait dans un silence presque oppressant. Pas de fleurs, pas de jardin, juste les murs ternis par le temps.
Elle avança jusqu'à la porte du salon, tourna la poignée et entra. Dès qu'elle alluma la lumière, son cœur fit un bond.
Son père, Christophe, était assis sur le canapé, juste en face de la porte. Il était immobile, les yeux rougis par la colère, les traits crispés, la mâchoire serrée.
Elle comprit aussitôt qu'il l'attendait et que la soirée ne se passerait pas bien.
Elle inspira profondément, s'approcha doucement.
Siara (poliment)
_ Bonsoir papa, Pourquoi étais-tu dans le noir ? Tout va bien ?
Christophe, sans répondre à sa fille, se leva d'un bond, le visage déformé par la colère.
SPLASH.
La gifle magistrale claqua contre la joue de Siara. Sa peau rougit instantanément sous la violence du geste. Elle porta une main tremblante à sa joue brûlante, ses doigts effleurant la brûlure encore vive. Malgré la douleur, son regard resta calme, fixé sur son père, tandis qu'une larme solitaire perla à l'angle de son œil pour glisser lentement sur sa joue.
Siara (voix tremblante)
_ Papa, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Pourquoi tu me... ?
Christophe (furieux)
_ Où étais-tu ? C'est à cette heure que tu rentres du travail ? C'est quoi ce foutu boulot que tu fais, et pourquoi tu rentres au milieu de la nuit ? Réponds-moi !
Les mains de Siara se crispèrent, ses paupières se mirent à trembler alors que les larmes menaçaient de déborder.
Siara (au bord des larmes)
_ Papa, je suis désolée, je n'avais pas fini vite et...
Christophe (criant de colère)
_ Et quoi ? Tu as quitté cette maison tôt ce matin et tu reviens à cette heure ? Et tu oses me dire que tu n'avais pas fini ton travail ? Tu me mens ?
Un sanglot secoua la poitrine de Siara.
Siara (pleurant)
_ Mais non, papa, je ne te mens pas. Il y avait beaucoup de clients aujourd'hui et je...
Christophe (hurlant)
_ Tais-toi, sale idiote !
Sa voix tonna si fort que Siara sursauta, reculant d'un pas. Ses yeux baignés de larmes fixaient son père, dont le regard brûlait d'une rage dévorante, comme si sa simple présence était une offense.
Christophe (rouge de colère)
_ Tu n'es qu'une enfant ratée. À cause de toi, ta mère est morte, et la seule chose que tu sais faire, c'est te laisser tripoter par les hommes du village en prétendant que tu travailles.
Le visage de Siara se figea, choqué et blessé.
Siara (choquée)
_ Quoi ? Tripotée par des hommes ? Mais papa, où as-tu entendu ça ? Je...
Christophe (furieux)
_ Tais-toi ! Je ne t'ai pas demandé de parler. Je sais très bien que quand tu quittes cette maison, c'est pour te prostituer. Tu ramènes de l'argent sale ici, et tu m'empoisonnes avec ça. Tu veux aussi me tuer, comme tu as tué ta mère ? Comme ta malchance ne m'a pas tué, tu veux me tuer à petit feu ?
Le cœur de Siara se serra violemment, une douleur sourde l'envahit. Ses yeux débordèrent et des larmes chaudes roulèrent sans fin sur ses joues.
Siara (en pleurs)
_ Comment peux-tu dire ça, papa ? Tu sais très bien que je suis honnête. Je n'ai jamais laissé aucun homme me toucher ni prendre d'argent de qui que ce soit. J'ai toujours gagné mes sous en travaillant dur depuis que tu as refusé de subvenir à mes besoins. Comment peux-tu penser que je veux te tuer avec de l'argent de prostitution ? Tu penses vraiment ça de moi ? Tu crois que je suis une prostituée ?
Christophe (cruel)
_ Arrête de verser ces larmes de crocodile et dégage de ma vue. La prochaine fois que tu rentreras tard, assure-toi de trouver un endroit où dormir, parce que je ne veux pas d'une prostituée dans ma maison. D'ailleurs, je vais te trouver un autre travail, et tu quitteras cette maison. Je ne sais pas à quoi tu me sers, à part me préparer à manger.
Figée, Siara regardait son père, hypnotisée par ses paroles cruelles. Ses larmes coulaient sans fin sur ses joues, tandis que son corps entier semblait se fendre en silence sous le poids de la douleur.
Christophe (hurlant)
_ Tu n'entends pas ? J'ai dit dégage de ma vue !
Sursautant, elle dépassa son père sans un mot et se précipita dans le couloir. Arrivée devant sa chambre au fond du couloir, elle tourna la poignée, ouvrit la porte, puis la claqua violemment. Elle courut jusqu'à son vieux petit lit simple et s'y laissa tomber, épuisée. Elle retira son sac qu'elle jeta au hasard sur le côté avant de se recroqueviller sur elle-même, ses sanglots éclatant dans le silence de la pièce.