La clé était ancienne, oxydée par le temps, mais elle semblait l'attendre. En l'insérant dans la serrure, un bruit sourd, comme un cri étouffé, résonna dans son cœur. Elle inspira profondément avant de tourner la clé. La porte s'ouvrit lentement, dans un grincement qui fit frissonner son échine.
Les murs étaient poussiéreux, mais la maison semblait encore vivante, comme si elle avait été figée dans le temps, attendant son retour. Chaque meuble, chaque tableau, chaque objet semblait la connaître. Mais c'était cette odeur de bois vieilli et de cire qui lui rappelait son enfance, l'amour de sa mère, et les tragédies qui avaient suivi.
Daphnée avança dans le hall, ses pas résonnant lourdement sur le parquet. Ses yeux se posèrent sur l'escalier qui menait à l'étage. La lumière qui filtrait par les fenêtres en hauteur dessinait des ombres étranges sur le sol, comme des fantômes du passé. Le bruit du vent dehors se mêlait à celui de ses respirations profondes, mais c'était son cœur qui battait le plus fort. Une vieille horloge murale égrenait les secondes, les minutes, chaque battement de temps comme une force implacable.
Elle se figea un instant, fermant les yeux pour se concentrer sur les bruits de la maison. Aucun mouvement. Le silence était presque inquiétant. Pourtant, Daphnée savait qu'il était là. Il le serait toujours. Un lien invisible la rattachait à cet endroit.
En montant les escaliers, son pied frôla les marches usées. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, mais elle n'hésita pas. Il fallait qu'elle monte. Ce n'était pas seulement une visite ; c'était une confrontation. La confrontation avec ce qu'elle avait laissé derrière, avec les secrets qu'elle avait enfouis si profondément dans son âme.
Arrivée au sommet de l'escalier, elle tourna à gauche, vers la chambre qu'elle avait autrefois partagée avec sa mère. La porte, légèrement entrouverte, laissait s'échapper une brume de souvenirs, aussi vagues que douloureux.
Daphnée prit une profonde inspiration et entra. Les rideaux étaient tirés, laissant la pièce plongée dans une lumière tamisée. Sur le bureau, un portrait d'elle enfant, souriante, la regardait avec des yeux innocents. Un frisson parcourut son échine. Ce portrait... il ne semblait pas avoir vieilli. Ses yeux fixaient Daphnée avec une telle intensité qu'elle se sentit nue, exposée à son propre passé.
Elle s'approcha du bureau et posa la clé sur le bois. Tout à coup, une voix brisa le silence, une voix qu'elle n'avait pas entendue depuis des années.
« Daphnée... »
Son nom. Il résonna dans la pièce comme un écho du passé. Elle se retourna vivement, ses yeux cherchant désespérément la source de cette voix. Mais il n'y avait personne.
Elle fronça les sourcils, inquiète. La voix n'était pas seulement une illusion. C'était la même voix qu'elle avait entendue enfant, celle qui l'avait guidée, protégée, et....
Dans un murmure presque imperceptible, elle répondit : « Maman ? »
Aucun son ne suivit. C'était peut-être une illusion. Mais dans l'air, un frisson s'intensifia. Comme si quelque chose ou quelqu'un observait la scène. Daphnée se sentait en proie à un étrange sentiment, une tension grandissante qui faisait naître des questions auxquelles elle n'était pas prête à répondre.
Soudain, la porte s'ouvrit brusquement derrière elle. Elle se retourna, le cœur battant.
Un homme se tenait dans l'encadrement de la porte, sa silhouette imposante dans la pénombre. Ses yeux sombres la fixaient avec une intensité déconcertante. Un silence lourd s'installa entre eux, comme un poids que ni l'un ni l'autre ne pouvait soulever.
« Alors, Daphnée, tu es enfin de retour. » Sa voix, grave et assurée, résonna dans la pièce comme un défi.
Daphnée sentit une bouffée de colère monter en elle, mais elle se força à rester calme. Cet homme, elle le connaissait. Il était l'un des fantômes de son passé, un de ceux qu'elle avait voulu oublier. Mais il était là, devant elle, comme une preuve vivante de tout ce qu'elle avait voulu fuir.
« Lucas. » Sa voix se fit froide, distante.
Lucas s'avança d'un pas, son regard ne la quittant pas. Il était plus âgé, plus mûr, mais le même homme qui l'avait trahie autrefois. Il ne l'avait jamais oubliée. Et elle, malgré tout, n'avait pas réussi à l'effacer de sa mémoire.
Il s'arrêta juste devant elle, et pour un instant, le monde sembla se suspendre. Leurs regards se croisèrent, chargés d'une histoire commune, d'une douleur partagée.
« Tu crois que tu peux revenir comme ça, après tout ce qui s'est passé ? » demanda-t-il, son ton presque moqueur. « Après toutes ces années de silence ? »
Daphnée serra les poings. « Je suis ici pour des réponses, Lucas. Pas pour tes accusations. »
Il sourit, un sourire amer. « Des réponses... Comme si tu pouvais en trouver ici. »
Un long silence s'installa à nouveau, mais cette fois, Daphnée savait que cette confrontation était inévitable. Elle n'était pas là par hasard. Son retour à la maison, la clé, ses rêves... Tout avait une signification, et elle était prête à découvrir ce qu'il en était.
Mais une chose était certaine : cette histoire n'était pas encore terminée. Et peut-être que cette fois-ci, ce ne serait pas la vengeance qui guiderait ses pas. Peut-être que, au fond, il y avait une chance pour que tout se termine bien... même pour elle.
Le silence qui suivit l'échange entre Daphnée et Lucas semblait d'une lourdeur insupportable. Daphnée se contenta de le regarder, ses yeux ne trahissant aucune émotion, mais au fond d'elle, chaque mot de Lucas la frappait comme une lame. Elle savait que ce moment finirait par arriver, qu'elle devrait affronter son passé, mais elle n'avait jamais imaginé que cela se ferait si tôt.
Lucas se tourna et s'éloigna de quelques pas, comme s'il attendait qu'elle le suive. Il n'avait pas besoin de parler, ses gestes suffisaient. Il l'invitait à le rejoindre dans l'une des pièces voisines, là où ils avaient autrefois partagé des secrets, des rires et des silences. Lucas aussi faisait partie de la famille et l'avait trahi en lui cachant tout ce qu'elle aurait voulu savoir sur sa famille. C'était ce qu'elle pensait. Tout avait commencé après la disparition de sa mère et personne n'avait voulu lui répondre mais maintenant elle était revenu, ayant marre de fuir, elle était déterminer à connaître les vérités.
Daphnée resta un instant immobile, se battant contre la tentation de tourner les talons et de fuir. Mais elle savait que ce n'était plus possible. Le passé la rattrapait de manière inexorable, et Lucas n'était que l'une des clefs qui permettrait de tout comprendre.
Elle prit une grande inspiration et se dirigea vers la porte, marchant derrière lui à pas mesurés, son esprit en proie à un tourbillon de pensées contradictoires. Chaque pièce qu'ils traversaient semblait la ramener un peu plus dans le passé. Les souvenirs étaient omniprésents, accrochés aux murs, à la poussière, à l'air même. Il y avait des traces de ce qu'elle avait vécu ici, des instants figés dans le temps. Le parfum de la maison, d'abord rassurant, devenait de plus en plus oppressant à mesure qu'elle s'enfonçait dans les couloirs.
Lucas s'arrêta devant une porte, plus grande et plus imposante que les autres. Une porte qui n'avait jamais été ouverte depuis des années. Daphnée sentit un frisson parcourir son dos lorsqu'il tourna la poignée et entra sans attendre.
La pièce était vaste, plongée dans une obscurité presque totale, à l'exception d'une faible lumière qui filtrait par un petit velux. Il y avait des étagères remplies de livres, des papiers éparpillés ici et là, des objets qui n'avaient pas été touchés depuis trop longtemps. Mais ce n'était pas ce qui attira l'attention de Daphnée. C'était le grand bureau en bois massif, sur lequel reposait un dossier épais, fermé à clé.
Lucas s'assit derrière le bureau, son regard perçant fixé sur elle.
« Tu te souviens de cette pièce, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, un léger sourire aux lèvres. « C'est ici que tout a commencé, Daphnée. Et c'est ici que tout doit se finir. »
Daphnée resta silencieuse, mais ses mains tremblaient légèrement. Elle connaissait cette pièce. Elle y avait grandi, elle y avait appris à dissimuler ses émotions, à se battre contre l'injustice de sa vie. Mais cette pièce n'était plus un lieu de confort. C'était désormais un champ de bataille.
Elle s'approcha du bureau, ses yeux se posant sur le dossier. Elle savait qu'il était là, le cœur du mystère. Ce que Lucas ne savait pas, c'est qu'elle avait déjà vu ce dossier. Des années auparavant, avant son départ, elle avait découvert des secrets qu'elle n'aurait jamais dû connaître. Des secrets qui avaient changé sa vie à jamais.
Lucas fit un geste de la main, l'invitant à ouvrir le dossier.
« Si tu veux comprendre, il faut regarder ce qui est écrit ici, » dit-il d'une voix calme, mais qui trahissait un certain dédain.
Daphnée hésita un instant avant de s'emparer du dossier. Elle l'ouvrit lentement, comme si chaque feuille qu'elle tournait la rapprochait d'une vérité qu'elle redoutait. Ce qu'elle lut la stupéfia.