L'Homme Qui a Capturé Ma Sœur
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Chapitre 5 Chapitre 5

– Hein qu'elles t'embêtent pas, mes questions ?

Je lui souris enfin. Un sourire de clown, avec toutes mes dents, juste pour qu'elle arrête de faire la tête. Ça marche.

– Pour mes yeux de croco, je peux rien faire, mais il faut que je mecoupe les cheveux et que je me rase la barbe quand j'arrive, t'as raison. Les gens vont me prendre pour un vagabond. La cicatrice, c'est une vitre qui est arrivée un peu trop vite quand j'étais petit. Je courais tout le temps sans regarder où j'allais et je suis passé au travers.

C'est à moitié vrai. Mais cette histoire a l'air de plaire à Zouzou encore plus que les insectes qui croustillent. J'aime bien cette gosse à peu près aussi franche et têtue que moi.

– Tu sens un peu le barbecue mais t'es beau quand même. J'ai vu plein de dames te regarder quand elles passaient !

La voix s'élève à nouveau dans le micro et nous annonce que la porte est désormais ouverte. Les premiers rangs s'agitent, loin devant nous. Cette course effrénée pour être les premiers, cette façon de jouer des coudes par principe, même quand il n'y a rien à gagner, ça ne m'avait pas manqué.

– Tiens, t'as pas de parents alors je te prête Carotte. Les miens disent qu'il faut donner aux gens qui ont rien...

La petite sort un vieux lapin en peluche de son sac à dos licorne et me le tend d'un air très solennel.

– Oh, mais peut-être que t'as un amoureux, en fait ? Ma mère dit qu'on a le droit d'aimer qui on...

– Zoé, c'est personnel ! Excusez-la, monsieur, je suis vraiment désolée...

Je hausse les épaules et attrape le doudou pour le regarder droit dans les yeux.

– Toi, tu ferais un parfait civet.

– Un quoi ?

– Je le cuis à la moutarde ou à la créole ?

La gamine lâche un cri effaré, récupère son machin poilu et me fixe de ses billes brunes et assassines.

– On n'est plus copains.

Vlan.

Ma vie sociale démarre bien.

***

Ça ne fait pas encore vingt-quatre heures que je suis de retour, je me suis déjà pris la grisaille et le jet lag dans les dents et voilà que je croise ce clown. Dans le miroir.

– Eh merde...

Assis dans le fauteuil en cuir du petit salon de coiffure où je viens de perdre dix centimètres de cheveux, un kilo de barbe et probablement mon âme, je me contemple en soupirant. Robinson Crusoé n'est plus. Je suis maintenant coiffé, rasé, sapé comme un vrai Parisien.

Seul mon bronzage me distingue de ces citadins bien trop sérieux et trop pressés qui défilent derrière la vitrine.

– À tomber ! se félicite le type dans mon dos, responsable de cette transformation. Ça vous va ?

– Et sinon quoi, vous me les recollez ?

J'oublie de sourire à ma petite blague et le coiffeur-barbier n'a pas l'air de trouver ça drôle. Il botte en touche.

– Imène, je t'avais bien dit qu'il ressemblait à un acteur ! Il fallait juste débroussailler tout ça.

Accoudée au comptoir d'accueil, son employée acquiesce mollement sans même lever les yeux de l'écran de son téléphone.

– Vous êtes bien ici ?

Cette question a franchi la barrière de mes lèvres sans que j'y consente vraiment. Je ne suis pas un grand bavard, surtout avec les gens que je ne connais pas.

– Ici ? répète le coiffeur. Dans le quartier ?

– Oui. Rue du Dragon.

– Vingt-cinq ans que je n'ai pas bougé et il faudrait envoyer l'armée pourm'en déloger ! Je cracherai des flammes sur le premier qui voudra prendre ma place !

Mollo, quand même.

– Il y a suffisamment de passage ? Les affaires sont bonnes ?

– Suffisamment pour que je me paie ce joli bébé...

Très fier, le type me montre la Rolex qui brille à son poignet. Ou peutêtre une autre marque de luxe. Je suis incapable de les reconnaître. S'il savait comme je me fous de ce genre de choses. Après un dernier regard jeté à mon nouveau reflet, je quitte le siège en cuir et retire la blouse noire et satinée avant qu'il tente de le faire à ma place.

– Je vous dois combien ?

– Offre de bienvenue : dix-neuf euros. Imène, tu encaisses le jeune homme ? Vous venez d'emménager, c'est ça ?

– Je ne sais pas encore...

– N'hésitez pas, mon joli. Vous allez faire des ravages dans le quartier.

Lui épargnant mon sarcasme habituel, je récupère mon gros sac, vais déposer un billet de vingt devant la fille qui a la bonne idée de ne pas me trouver joli et leur souhaite une bonne journée.

La mienne a tellement bien commencé.

Ah, le revoilà lui. Mon pote le sarcasme qui me tient toujours compagnie.

Je remonte la rue du Dragon, longe ses immeubles en pierre de taille, ses vitrines fleuries, ses boutiques bien trop chics pour un mec comme moi, en pensant à tous les paysages exotiques et paradisiaques auxquels j'ai dû renoncer.

Là-bas, je respirais. Ici, j'étouffe.

C'est aussi simple que ça.

Si seulement je pouvais sauter dans un avion et faire demi-tour.

– Simon Aster ?

– C'est moi.

Trop tard. Je serre la main du grand chauve qui m'attend devant le numéro 22, puis prends le temps d'étudier la devanture du petit café en piteux état que je suis venu visiter.

– L'ancien propriétaire ne l'a pas très bien entretenu, ces dernières années, m'explique-t-on. Je crois qu'il était malade. Mais vous devez le savoir mieux que moi...

– Pas vraiment, non.

– Vous n'êtes pas de la famille ?

– C'était mon oncle, si. Mais on n'était pas proches.

Il ne fait pas de commentaire et m'invite à entrer dans les lieux.

– Je vous laisse visiter seul, je suis juste venu vous remettre les clés.Bienvenue chez vous et... bon courage.

Le collaborateur du notaire avec qui j'ai tout réglé à distance se barre pour retrouver au pas de course son véhicule mal garé. Je l'oublie aussitôt et pénètre pour la première fois dans la salle au papier peint rayé bleu marine et bordeaux, un peu déchiré, décollé ou gribouillé par endroits.

Je pose mon sac sur le sol et lève les yeux.

Ce n'est pas bien grand, pas bien gai non plus, ça sent la poussière et la solitude, mais le charme opère malgré tout. Ce boui-boui a une âme. Un truc indéfinissable, sur lequel on ne peut pas mettre de mots, mais qui se ressent. Un peu comme ces gens en qui vous avez instantanément confiance, sans pour autant les connaître. Je respire un peu mieux. Je visite la salle principale, promène mes yeux un peu partout avant de les arrêter sur les moulures du plafond, tandis que le vieux parquet craque sous mes pieds. Je passe lentement ma main sur l'imposant comptoir en bois vernis qui a clairement vécu et griffe un peu sous les doigts. J'aime ça. Ce lieu a une histoire. Du relief. J'entre dans les cuisines crasseuses, étroites et tout en longueur. Que personne n'a dû entretenir depuis des décennies. – Bordel...

Ça va me coûter un bras de remettre tout ça en état.

Mais l'envie est là... et j'en suis le premier étonné.

Bizarre, le cafard s'enfuit.

À tout juste 28 ans, alors que j'avais pour ambition de continuer à parcourir le monde pour vivre libre de toute contrainte et enrichir mon expérience de chef cuisinier, je viens d'hériter de ce petit café-restaurant dans l'un des quartiers les plus prisés de Paris. Et si, jusque-là, je contemplais sérieusement la possibilité de tout vendre pour repartir vivre à l'autre bout du globe, c'est en train de changer.

                         

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