L'Homme Qui a Capturé Ma Sœur
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Chapitre 3 Chapitre 3

Tu ne veux pas appeler tes parents plutôt ?

– Jamais de la vie !

– Olympe...

– Toujours pas.

– Je te refais tout le film de ma triste vie ?

– Salomé...

– Ma mère est morte sans me laisser un centime, mon père n'a jamaispayé la moindre pension, mon frère doit être aussi à sec que moi et je ne sais même pas s'il rentrera un jour de l'autre bout du monde où il se trouve en ce moment... Toi, tu les as tous près de toi ! Et ils sont blindés ! À quoi ça sert d'avoir des parents riches et qui veulent que tu réussisses s'ils ne t'aident pas à démarrer dans la vie ?

– Ils l'ont fait, Salami...

Ça y est, mon ventre se noue, ma gorge se serre comme à chaque fois que je pense à leurs ambitions pour moi, à la prestigieuse école de cuisine qu'ils m'ont payée, l'école Ferrandi à Paris qui est censée former l'élite de la gastronomie, et puis à mon erreur de jeunesse qui a tout gâché. Leur déception, leur honte impossible à masquer, leur jugement si difficile à encaisser, ma fierté blessée, notre éloignement.

Mon cœur brisé deux fois : par celui que j'aimais et par ceux qui étaient censés m'aimer toute ma vie, sans conditions.

Le pire, c'est que je crois que si je les appelais à l'aide, ils répondraient présents. Mais je ne peux pas, c'est trop tard. Leurs mots étaient trop durs. On est trop loin. Ils n'ont pas compris ce que j'avais fait, ils ne comprennent toujours pas que je gâche ma vie et ma formation au sein des plus grandes brigades françaises en bossant dans les arrière-cuisines de restos à touristes qui servent du surgelé réchauffé. Chez les Constant, il est impensable de dévier du droit chemin. Et quand tu t'égares, encore plus difficile d'y revenir.

Avec Salomé, on marche en silence quelques minutes et nos pas nous mènent jusqu'au marché couvert de Saint-Quentin, une vieille halle du XIXe sous de hautes verrières, où j'aimais aller dénicher de beaux produits quand j'avais encore l'occasion de les cuisiner.

– Viens, on prend des Vélib' ! me propose Salomé en me voyant cogiter. Tu as clairement besoin de te vider la tête, j'ai beaucoup trop faim et mes chaussures sont beaucoup trop serrées.

Je lui souris malgré mon vague à l'âme.

Et on s'élance sur le boulevard Magenta avec nos vélos d'un soir, on roule sur les pistes cyclables quand il y en a, on slalome entre les quelques piétons qui traversent n'importe où, on crie sur les voitures garées en double file, on grille les feux rouges avant de se faire crier dessus par d'autres conducteurs, on se laisse griser par la vitesse, les lumières de la nuit, la douceur d'avril, le vent dans nos yeux qui piquent, ou peut-être que c'est l'émotion qui remonte à toute allure dans la gorge.

En pédalant côte à côte, on traverse la place de la République avec cette folle sensation de liberté, ce vertige qui rend tout possible, cette envie de crier notre rage, notre envie de vivre et notre peur de ne pas vivre assez, ce goût sur la langue à la fois amer et puissant, cette impression que la ville est à nous et ce vide qui nous rappelle qu'on n'a rien du tout. On glisse le long du boulevard du Temple en se faisant frôler par des voitures qui roulent trop vite, on se fait des frayeurs juste pour se rappeler qu'en fait on a tout, puisqu'on a la vie devant nous. On laisse nos cheveux voler et nous donner un dernier coup de fouet sur le boulevard Beaumarchais désert et on retrouve, le cœur gonflé, l'esprit vidé, « notre » place de la Bastille qui ne dort jamais. Ce quartier animé qu'on croit connaître par cœur mais qui nous surprend encore, sa chaleur qui nous enveloppe toujours.

On gare nos vélos lourds et poisseux, on rejoint à pied notre petit cocon rue de la Roquette, et je me souviens pourquoi j'ai toujours pensé que cet appart était forcément le bon : Salami et Œufs de Lump ne pouvaient pas trouver meilleure adresse que celle qui porte le nom de la meilleure salade qui soit. Une rue remplie de restos asiatiques de toutes les nationalités, de burgers et de kebabs ouverts tard dans la nuit, de boulangeries et de supérettes qui s'allument aux aurores, de pizzerias pas très bonnes et de chocolateries haut de gamme, de bistrots typiquement parisiens et de bars bruyants qui donnent l'impression que tu as toujours des amis sous tes fenêtres.

Ça tombe bien, les amis, c'est la famille qu'on s'est choisie, Salomé et moi.

– T'as ce qu'il faut pour ma raclette ? Je vais plus tenir très longtemps sans manger.

– Ça va aller, respire.

– Comment tu veux que je respire alors qu'on habite au quatrième sansascenseur et que je n'ai rien avalé depuis au moins deux heures ?!

– Un Coca, deux tranches de citron, un chewing-gum à la réglisse...

– Continue comme ça et je fais rôtir ta cuisse de gazelle à la seconde oùon arrive.

– Tu ne sais même pas te faire cuire des pâtes, Salsifis...

– Salami, Salicorne, passe encore, mais je t'interdis de m'appeler commeça ! Qui a inventé un légume aussi insipide que le salsifis, sérieusement ?

– C'est une racine, pas un légume. Et ça a un petit goût doux et sucré qui rappelle l'artichaut, l'asperge mais aussi l'huître et la noix. C'est super intéressant en purée un peu épicée ou alors en les faisant caraméliser...

Sur la dernière marche du quatrième étage, Salomé se retourne et me saisit par les épaules avant d'ouvrir grand la bouche. Je pense que son cri de frustration s'entend jusqu'à Pigalle : elle me hurle qu'elle a faim en tenant la note très longtemps.

– Je crois que tu as un peu faim, non ?

– Laisse-moi, je vais changer de meilleure amie, la nouvelle s'appelle Its.

– Its ?

– Ouais. Uber Eats.

Elle entre en ricanant dans l'appart et dégaine à nouveau son portable pour se faire livrer à manger aussi vite que possible. Je le lui prends des mains et la regarde droit dans les yeux.

– Uber vient de m'appeler, tu épuises tous les livreurs, ils ont démissionné. Il va falloir que tu sois forte, Salomé.

Je me marre puis l'entraîne par la main dans la cuisine avant de me mettre aux fourneaux.

– Une omelette au comté, ça ira ?

– OK, mais avec des petits oignons ! Oh, et mets quelques lardons aussi !

– On a dit omelette, Saleté, pas tartiflette !

– Ah, pardon, j'ai confondu.

On éclate de rire en même temps et une de nos colocs sort du salon à ce moment-là pour nous rejoindre à la cuisine, le visage tout embrouillé.

– Désolée, on t'a réveillée ?

– Vous êtes vraiment trop bruyantes pour moi. Vous ne dormez jamais ? Et pourquoi vous mangez tout le temps ? Je vais quitter la coloc, au fait. Je voulais vous le dire. Je m'installe avec mon mec.

Lola squatte le canapé du salon où vit parfois une quatrième colocataire. Il y a une porte entre le salon et le reste de l'appartement, idéal pour avoir l'intimité d'une vraie chambre la nuit, même si cette pièce de vie sert à tout le monde la journée. Pour elle, c'est du dépannage provisoire, comme on le fait souvent pour une copine de copine en galère. Mais elle ne passe qu'en coup de vent et, si je n'ai rien contre elle, entre nous, la mayonnaise n'a jamais vraiment pris.

            
            

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