Chapitre 4 Chapitre 4

« De quoi tu parles, bordel ? » demande Cody, qui s'entraîne à côté de nous. Je regarde Brady comme s'il avait perdu la tête.

« Je pensais juste qu'on devrait viser le haut de gamme. Tu sais, les galeries d'art, les produits de luxe, le concessionnaire Porsche. Ce genre de trucs. » Je hausse un sourcil. C'est le genre d'argent dont on ne peut que rêver. Et les rêves ne paient pas mes putains de factures. Je frappe à nouveau le sac, frustré qu'à mon âge, je doive encore utiliser mon corps pour gagner ma putain de paie.

« On n'est pas vraiment des gens haut de gamme, Brady », dis-je d'un ton neutre, pas sûr de l'avoir déjà entendu prononcer une phrase complète sans juron.

« Ce n'est pas une mauvaise idée », dit Cody en s'approchant de nous, et je le regarde d'un air sévère.

« Concentrons-nous sur le Club Vine, le centre commercial et ce putain de combat, et ensuite nous verrons la suite. » Maintenant, je suis de mauvaise humeur. Les problèmes d'argent combinés à la visite de Marcus ne sont pas idéaux. Mais l'un alimente l'autre. J'ai besoin de Marcus, car sans lui, je n'ai pas de combat. Sans ce combat, je n'ai pas d'argent. Sans argent, je n'ai pas de Fortress et aucun moyen de sortir de ce cycle où j'essaie de me remettre sur pied et où j'échoue. À chaque fois.

À chaque fois.

Marcus essaie toujours de faire valoir son autorité, de se faire passer pour le patron. Il adore que nous, les costauds, nous lui soumettions. J'appelle ça le syndrome de la petite bite. Ça ne fait que m'énerver, et maintenant je plains les clients du Club Vine ce soir, car je sais que je vais passer ma colère sur eux.

J'entends la porte s'ouvrir et Levi entrer. Ce gamin est plein d'attitude. Il est arrivé ici un jour, comme ça, à l'improviste, et c'était comme regarder dans un miroir. Alors je le forme. Je lui donne un moyen d'évacuer son agressivité et quelqu'un à qui parler. Depuis, quelques autres gamins sont arrivés, comme celui avec qui Cody travaillait. Brady en forme aussi quelques-uns.

Nous savons que nous ne sommes pas des gens bien. Nous avons fait des choses folles, dégueulasses et illégales dans notre vie. Mais nous essayons de nous racheter, et si aider un gamin comme Levi me soulage la conscience, alors tant mieux.

Je vous jure, je ne me suis pas autant amusée depuis longtemps. Merci de m'avoir amenée ici, dis-je aux filles alors que nous retournons dans notre salon privé dans la zone VIP. J'ai chaud après avoir dansé, mais je me sens bien.

« Où avez-vous trouvé cet endroit ? », demande Chelsea à Chloé tandis que nous regardons toutes autour de nous. Je balaye du regard la piste de danse en contrebas. Il y avait moins de monde quand nous sommes arrivées, mais maintenant, c'est vraiment animé. Je remarque le bar bondé et les quelques employés derrière le comptoir qui semblent débordés.

« L'un de mes meilleurs clients est venu au magasin cette semaine et m'en a parlé. J'ai pensé que ce serait parfait pour nous ce soir », répond Chloé en me regardant avec un sourire inquiet. En tant que créatrice de bijoux, elle voit beaucoup de monde et rencontre des personnes très différentes, qui adorent lui raconter les derniers potins et lui parler des endroits à la mode. Ses créations sont très recherchées, car elle est l'une des meilleures créatrices du pays.

« C'est génial ! », dis-je en adressant un petit sourire à mes amis, qui me regardent tous avec inquiétude.

« Tu en avais besoin. Soyons honnêtes, la bombe que le père Van Cleef t'a lâchée cette semaine... Je n'arrive pas à croire que tu ne sois pas dans le coma quelque part, en train de te bercer », ironise Simone en buvant une gorgée de champagne.

« Je vais bien. Tout va bien se passer », lui dis-je, en m'efforçant de garder le sourire. Elle me regarde comme si elle ne croyait pas un mot de ce que je dis. Moi non plus.

« Sérieusement, tu ne peux pas simplement dire à ton père merci, mais non merci ? », demande Chloé.

« Je ne sais pas du tout ce que je vais faire. » Abandonnant toute façade, je baisse la tête entre mes mains. Je n'ai pas revu mon père depuis le dîner chez lui en début de semaine. J'ai passé mes journées à travailler et à essayer de trouver un moyen de prendre la place qui me revient à la tête de Van Cleef Corp sans épouser l'homme que mon père a choisi pour moi.

« Tu es adulte. Tu peux simplement refuser », dit Simone, comme si c'était la décision la plus facile à prendre.

« Je sais. Mais si je ne le fais pas, il me mettra sur liste noire et je ne pourrai plus travailler nulle part à Baltimore. Probablement sur toute la côte Est, en fait. Je perdrais complètement l'accès à Van Cleef Corp... » Je tripote mes mains, envahie par un sentiment d'incertitude.

« Et explique-moi encore en quoi cela diffère de ta situation actuelle ? », demande Chelsea en haussant son sourcil parfaitement dessiné. Je m'interromps alors, car elle a raison : cela ne diffère en rien de ma vie actuelle. Mon père m'a déjà dit que je ne travaillerais plus jamais.

« Je n'ai jamais désobéi à mon père. De plus, il est tout ce qui me reste », leur dis-je en ravalant mon malaise, les suppliant de comprendre. Cela peut paraître immature, mais depuis la mort de ma mère, j'ai tout fait pour être la fille parfaite. Il disait toujours qu'il avait déjà assez de soucis et qu'il ne voulait pas que je sois un de plus. J'en ai donc fait la mission de ma vie. Une élève brillante. Je ne suis pas libertine, je garde mon cercle d' s étroit, je travaille dur, je ne fais pas vraiment la fête et je n'ai jamais fait un faux pas. Mais le vrai problème, c'est que je n'ai personne d'autre. Pas d'autre famille. Si je m'oppose à lui et que je le défie pour le poste de PDG, je me retrouverai seule, orpheline.

« Bien sûr que non. Tu as été la fille parfaite. Tu as fait tout ce qu'on t'a demandé. Tu travailles d'arrache-pied, tu participes à toutes les œuvres caritatives et tu es magnifique. Tous les hommes de cette ville te désirent et toutes les femmes de cette ville veulent être toi. Tu fais tout cela dans l'espoir que ton père ouvre enfin les yeux, qu'il voie à quel point tu es extraordinaire et qu'il te traite comme la fille magnifique que tu es. Tout le monde dans cette ville paumée le voit, sauf lui. Tu dois arrêter de faire tout ce qu'il te demande. » Je souris légèrement à Simone et hoche la tête, reconnaissante d'avoir des amies aussi formidables.

« Ce n'est pas si facile... », dis-je en secouant légèrement la tête. Il y a beaucoup de choses à prendre en considération.

« Nous le savons bien. Mais sache que tu peux toujours compter sur nous », dit Chloé en me prenant la main et en me serrant doucement pour me soutenir. J'avale ma salive tandis que ses mots pénètrent mon esprit et me rappellent que je peux compter sur elle et les filles. J'ai quelqu'un. Elles ne sont peut-être pas de ma famille par le sang, mais elles sont plus une famille pour moi que mon père ne l'a jamais été.