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Pardon ?
L'expression de perplexité sur le visage de l'homme est presque comique.
- Tu es comme moi, n'est-ce pas ? Cette... cette chose en toi ?
L'homme hoche la tête, d'un geste lent et prudent.
- Alors, qui suis-je ? Qu'est-ce que c'est que cette chose ?
- Comment as-tu... ? demande l'homme le plus mince, mais le plus grand le fait rapidement taire.
- Comment as-tu obtenu... comment as-tu acquis cette présence ?
La question est formulée et reformulée avec soin au fur et à mesure, dans une tentative délibérée d'éviter toute révélation nouvelle.
Des images du laboratoire lui traversent l'esprit, les terreurs, les peurs et les menaces implicites, et soudain, elle en a assez d'être le pion de ce jeu macabre.
- Bon, que dirais-tu de ça ? suggère-t-elle en s'efforçant d'avoir l'air confiant. Je veux savoir qui je suis. Tu veux savoir comment j'en suis arrivée là. Un peu de concessions mutuelles serait peut-être de mise.
C'est un choc de se retrouver à essayer de regagner du terrain, de négocier avec ces brutes, plutôt que de se plier à leurs exigences. Peut-être, cependant, ce n'est pas tant son courage qui est en cause, mais la bête en elle. Elle est alerte et éveillée, attentive aux détails, et semble presque impatiente d'affronter cet homme imposant.
Son ravisseur la regarde avec perspicacité. En silence. Puis il sourit soudain, la regardant avec un amusement manifeste.
- D'accord. Je suis Baron, dit-il. Et toi ?
- Dee.
- Dee qui ?
- Toi d'abord.
Baron lève les yeux au ciel, comme s'il s'adressait à un enfant particulièrement stupide.
- Joseph Baron.
- Dee Carman.
- Enchanté de te rencontrer. Alors, tu veux savoir qui tu es ?
Dee hoche la tête.
Baron a un sourire narquois.
- Tiens-toi bien, alors. Parce que celle-là est vraiment géniale.
Il recule et jette un coup d'œil à l'autre homme, qui hoche la tête, empoigne sa dague, s'écarte du mur et fixe Dee du regard, comme s'ils s'attendaient à un acte violent. Puis Baron se retourne vers Dee et une étrange énergie emplit la pièce, telle de l'électricité statique, lui faisant dresser les cheveux sur la tête et lui picotant la peau. Puis l'homme immense devant elle se brouille, se transforme, se transforme en...
Dee fixe l'énorme loup noir qui domine désormais la pièce et pousse un cri perçant.
Dee est assise, tremblante, sur le lit, un verre de whisky à la main. Du whisky ? Elle n'en boit jamais. Elle jette un coup d'œil à Baron, de retour sous sa forme humaine, et se souvient de l'immense loup noir qu'il est devenu.
Elle vide rapidement son verre, grimaçant au goût. Elle est... Elle est...
Baron approche une chaise du lit et la retourne pour s'asseoir à califourchon. Elle imagine que sous son air renfrogné et sa barbe, il s'inquiète pour elle.
- Respire profondément. Je ne veux pas que tu paniques à nouveau.
Comme si cela n'avait pas été assez gênant la première fois. Mais un petit choc est justifié, se dit-elle, tandis qu'elle lutte pour retrouver une once de fierté. Elle est...
- Je suis un loup-garou, déclare-t-elle sèchement.
Peut-être que l'entendre à voix haute l'aidera.
- Non. Pas un loup-garou.
À en juger par son ton, on dirait qu'elle vient d'insulter Baron.
- Un métamorphe. Un loup, et un humain. Pas un hybride de l'un ou de l'autre.
Il plisse les yeux.
- Mais ce qui m'intéresse bien plus, c'est comment tu es devenue... l'une des nôtres.
Cela semble inquiétant.
- Comment cela se passe-t-il habituellement ?
Baron hésite, et Dee sait que ce qu'il dira ensuite ne sera qu'une protection.
- De diverses manières. Mais c'est toujours volontaire. Le converti sait exactement où il met les pieds et l'accepte sans réserve. À ma connaissance, se convertir contre sa volonté est même impossible. Alors comment as-tu réussi à avoir un loup à bord sans même savoir ce que c'était ?
Dee réfléchit attentivement à sa réponse. Baron semble loin d'être satisfait d'elle jusqu'ici, et admettre avoir été kidnappée, admettre qu'elle a été transformée en cette chose contre son gré ? C'est comme admettre qu'on s'est introduit dans un club exclusif par la porte de derrière. Et c'est toujours juste avant que les videurs ne te raccompagnent directement à la sortie. Ce qui, dans ce cas précis, risque fort d'arriver avec la pointe d'un couteau.
Mais que va-t-elle dire d'autre ? Elle ne sait même pas comment c'est arrivé.
De plus, ces hommes, malgré leur froide intimidation, se révèlent être le moindre mal. Les scientifiques l'ont torturée et expérimentée sur elle, tandis que les hommes devant elle s'occupent d'elle, la mettent à l'abri, la couchent sur un lit moelleux et s'efforcent de la maintenir calme et à l'aise.
- J'ai été kidnappée, dit-elle finalement, espérant que l'honnêteté est la meilleure solution.
- Je ne sais pas qui ils étaient, mais ils m'ont retenue dans un laboratoire pendant des jours et torturée. Ils ont tenté toutes sortes d'expériences. Je suppose qu'ils essayaient d'implanter le... loup.
Mince, c'est encore si difficile à exprimer. Mais la présence est toujours là, alerte, attendant. Observatrice.
- Quel genre d'expériences ?
Elle explique du mieux qu'elle peut, luttant contre la terreur suscitée par ces souvenirs, détaillant les aiguilles, l'opération, les décharges électriques. À mi-chemin, Baron remplit son verre, attendant patiemment qu'elle sirote l'alcool fort, attendant que ses mains cessent de trembler, jusqu'à ce qu'elle trouve le courage de continuer.
- La dernière expérience, dit-elle finalement, les yeux fixés sur le couvre-lit, se disant que tout sera bientôt terminé.
- C'est celle qui a fonctionné. Ils ont prélevé un échantillon de mon sang. Ils l'ont emporté, puis sont revenus plus tard et l'ont réinjecté dans ma veine. Je ne sais pas ce qu'ils en ont fait, mais soudain, j'ai eu une idée en tête : les tuer tous.
Baron écoute avec une attention soutenue.
- Que t'a-t-il proposé exactement ? Comment a-t-il communiqué avec toi ?
- C'était comme une série d'images dans ma tête. Des idées. Des émotions, peut-être. Il était très en colère et m'a montré une photo des scientifiques morts sur le sol, couverts de sang.
Baron la regarde avec suspicion.
- Tu ne me sembles pas particulièrement violente, observe-t-il prudemment.
Contrairement à Baron lui-même, pense Dee, qui semble capable de démembrer un homme. Elle baisse les yeux vers elle-même, toujours en blouse, les mains couvertes de sang séché – quel spectacle elle doit offrir. Mais il n'est pas surprenant que la vérité soit si flagrante. Elle a même du mal à tuer des araignées, préférant les attraper et les relâcher dehors.
- Pas d'habitude, non.
Baron continue de l'observer, perplexe et curieux.
- Alors un loup a été forcé de fusionner avec toi, et il t'a alors offert un acte de violence que tu trouverais normalement répugnant.
Il secoue la tête.
- Tu devrais être complètement folle à lier, maintenant.
- Pourquoi devrais-je l'être ? objecte-t-elle.