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Les Ombres Brisées n'étaient pas un endroit où l'on s'aventurait facilement, et Raven le savait dès qu'elle aperçut les contours du territoire qui se dessinaient dans la lueur mourante du crépuscule. Les arbres, tordus et noirs, semblaient se pencher vers elle comme des spectres, leurs branches effleurant le ciel en une danse macabre. La brise était lourde, et l'air, saturé de mystère, lui glaçait la peau. La forêt, en elle-même, semblait un endroit en perpétuelle attente, un lieu où la vie et la mort se côtoyaient sans jamais se mélanger.
Elle s'était arrêtée un instant, les yeux fixant l'horizon, hésitante. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle attendait. Peut-être un signe, ou peut-être la terreur de ce qui l'attendait à l'intérieur. Ce n'était plus sa maison. Ce n'était même plus son monde. Elle n'était qu'une étrangère dans un territoire inconnu.
Les loups des Ombres Brisées l'avaient vue arriver de loin, et leurs regards étaient pleins de méfiance et de curiosité. Certains l'observaient de loin, cachés dans les ombres, d'autres se rapprochaient, sentant son odeur. Leur présence pesait sur elle comme une pression invisible. Elle n'avait pas le choix. Elle n'avait nulle part où aller. Cette meute déchue, dirigée par un Alpha renégat, était tout ce qu'elle avait.
L'un d'eux, plus âgé, aux cheveux blancs comme l'écume de la mer, s'approcha enfin d'elle. Ses yeux sombres la scrutaient sans émotion.
« Tu es loin de chez toi », dit-il, sa voix aussi froide que la brise de la forêt.
Raven hocha la tête, évitant son regard. Elle n'avait pas la force de mentir. « Je n'ai nulle part où aller », murmura-t-elle.
Un rire sec, presque un grognement, s'échappa des lèvres de l'homme. « Tu es ici maintenant, et tu ferais bien de t'y faire. Nous ne t'aimons pas, mais si tu veux survivre, tu ferais mieux de t'adapter. »
Elle serra les poings. Cette meute, brisée et déchue, n'était pas amicale, mais elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter leur accueil. Même si elle savait que sa place parmi eux serait précaire. Même si elle n'était qu'un fardeau pour eux, un fardeau qu'ils accepteraient peut-être temporairement. Après tout, une meute brisée ne pouvait se permettre d'être trop sélective.
On la guida dans une petite clairière au centre du campement, un lieu dissimulé et presque secret, où des huttes de bois étaient éparpillées dans l'obscurité. Les bâtiments étaient rudimentaires, mais Raven se rendit vite compte qu'il y avait quelque chose de presque... primitif dans cet endroit. Chaque recoin semblait imprégné de douleur et de solitude, et Raven, elle-même brisée, se sentit paradoxalement un peu chez elle.
Mais ce n'était pas là l'élément qui la préoccupait le plus.
Le silence qui s'installa lorsqu'elle pénétra dans ce campement ne tarda pas à se faire lourd. Les loups la regardaient, certains avec hostilité, d'autres avec une sorte de fascination malsaine. Elle était seule ici. Elle ne pourrait pas survivre sans leur aide, mais elle savait que l'acceptation n'était jamais acquise. Il faudrait gagner leur respect, et encore, peut-être pas.
Alors qu'elle se dirigeait vers une petite hutte au centre, un bruit se fit entendre dans l'obscurité. Un grondement sourd, suivi d'un éclat de voix. C'était tout de suite plus effrayant qu'elle ne l'avait imaginé.
Elle tourna la tête pour voir une silhouette massive se dessiner à l'entrée du camp. L'ombre s'élargit, imposante, une présence qui dominait l'espace comme une force de la nature. Ce n'était pas l'un des loups de la meute, mais un individu singulier. Un Alpha, d'une stature impressionnante, vêtu de noir, ses yeux aussi sombres que l'ombre qui l'entourait. Ses mouvements étaient lents, mesurés, mais chaque geste semblait chargé d'une puissance retenue. Son regard se fixa immédiatement sur Raven, comme s'il venait de la découvrir pour la première fois.
Raven, instinctivement, se figea. Elle savait qui c'était. Kael. L'Alpha déchu. L'homme dont la réputation faisait frissonner les plus courageux, dont les histoires étaient devenues des légendes terrifiantes. Kael, celui que personne ne voulait croiser dans la forêt des Ombres Brisées.
Il la fixa, sans dire un mot, mais ses yeux ne la lâchèrent pas. Raven sentit son cœur s'emballer, une sueur froide perlant sur sa peau. Elle s'efforça de ne pas céder à la peur. Elle devait rester calme. Mais la simple présence de Kael suffisait à la déstabiliser. Il n'était pas comme les autres. Il dégageait une aura de cruauté et de solitude, une violence sous-jacente qu'il ne tentait même pas de masquer.
« Tu es donc celle dont on m'a parlé », dit-il finalement, sa voix basse et grave, un murmure qui semblait venir de loin.
Raven tenta de répondre, mais sa gorge était sèche. « Je... je suis... »
Il l'interrompit d'un simple geste de la main, une élégance menaçante dans ses mouvements. « Tu n'as rien à expliquer. Je vois déjà qui tu es. » Il fit un pas en avant, son regard toujours aussi perçant. « Tu es ici maintenant, mais cela ne signifie pas que tu es la bienvenue. N'oublie jamais cela. »
Elle hocha la tête, les mots coincés dans sa gorge. Chaque fibre de son être criait pour qu'elle s'échappe, mais elle ne pouvait pas. Elle était prisonnière de ce monde, prisonnière de la meute. Kael tourna brusquement les talons et s'éloigna sans un mot de plus. Ses yeux étaient toujours fixés sur elle, et Raven savait qu'il la surveillait.
Elle laissa échapper un soupir de soulagement à peine perceptible. Elle se détourna pour rejoindre la hutte qui lui avait été assignée, mais une sensation étrange la traversa. Quelque chose d'inexplicable. Peut-être un pressentiment. Un avertissement.
Ce soir-là, la tension qui régnait dans l'air fut palpable, une tension qui semblait s'étirer jusqu'aux limites du supportable. Raven savait qu'elle n'avait pas encore tout vu de ce que cette meute lui réservait. Elle était loin d'imaginer à quel point sa vie serait bouleversée.
À peine s'était-elle allongée dans son lit de fortune qu'un cri déchirant résonna dans la forêt, déchiquetant le silence. Un cri de souffrance, suivi de plusieurs bruits sourds, comme des détonations de feu. Raven se leva brusquement, son cœur battant la chamade. Le danger était là, plus proche que jamais.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir. Des loups hurlaient dans la nuit, des bruits de griffes contre le sol, des éclats de voix qui se mêlaient aux hurlements. L'attaque venait de commencer.
Raven se précipita à l'extérieur, observant la scène chaotique qui se déroulait devant elle. Des formes sombres se déplaçaient rapidement, attaquant les membres de la meute avec une sauvagerie indescriptible. Des silhouettes humaines se faufilaient parmi les loups, brandissant des couteaux et des armes improvisées.
Elle chercha Kael, le cœur battant. Si la meute allait être réduite en morceaux, elle aurait besoin de lui. Kael, l'Alpha déchu, le seul qui semblait avoir l'autorité et la puissance pour les sauver.
Et c'est alors qu'elle le vit. Kael se tenait au centre du camp, son corps plongé dans l'ombre, un loup blessé à ses pieds. Il balayait l'air avec une violence contrôlée, ses yeux sombres brillants d'une rage silencieuse. Les attaquants s'étaient regroupés autour de lui, mais aucun d'eux ne semblait oser l'approcher.
Raven se précipita vers lui, mais avant qu'elle n'ait pu faire un pas, un cri retentit à côté d'elle. Une forme noire fondait sur elle, ses griffes prêtes à la déchirer. Elle se figea, pétrifiée par la peur.
Kael surgit alors de l'ombre, ses mouvements d'une rapidité terrifiante. D'un coup de poing, il envoya valser l'assaillant, avant de saisir Raven par le bras et de la tirer loin de l'attaque. Il la plaqua contre un arbre, son regard aussi intense que la lumière de la lune.
« Ne bouge pas », dit-il d'une voix basse, remplie d'autorité.
Elle hocha la tête, son corps tremblant de terreur et de froid.
Kael la protégeait. Mais quel prix à payer pour cela ?