Des yeux, perçants et vifs, la fixaient, éparpillés dans l'ombre comme autant de braises ardentes. Ils n'étaient ni hostiles ni bienveillants, mais leur intensité la transperçait, éveillant une peur viscérale qu'elle ne comprenait pas. Une voix s'éleva alors, grave et résonnante, comme un murmure porté par le vent.
« Lyra... viens. »
Son propre nom, chuchoté avec une familiarité troublante. Les lueurs dansaient, se rapprochaient lentement. Un frisson lui parcourut l'échine lorsqu'un hurlement déchirant fendit l'air. Elle voulut courir, mais ses jambes refusaient de bouger. Les yeux rouges étaient partout, encerclant la clairière où elle se tenait figée.
Un loup imposant surgit des ténèbres. Son pelage noir semblait absorber la lumière, et ses yeux rouges la fixaient avec une intensité presque insupportable. Lyra ouvrit la bouche pour crier, mais aucun son ne sortit.
Elle se réveilla en sursaut, haletante, son cœur battant à tout rompre.
Le silence de la chambre contrastait violemment avec la violence de son rêve. Lyra passa une main tremblante sur son visage, essayant de calmer sa respiration. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait un tel rêve, mais jamais il n'avait été aussi vif, aussi réel.
Elle repoussa les couvertures et posa les pieds sur le sol froid, cherchant un peu de stabilité. À l'extérieur, la lune brillait haut dans le ciel, inondant la pièce d'une lumière pâle et apaisante. Elle s'approcha de la fenêtre, fixant la forêt au loin, son esprit encore embrouillé par les images du rêve.
« Tu ne devrais pas sortir seule la nuit. »
Lyra sursauta, son regard se portant immédiatement vers la source de la voix. Kael.
Il était là, debout dans l'ombre près de la porte, son visage à peine visible dans la pénombre. Comment était-il entré sans qu'elle ne l'entende ?
« Kael ? Qu'est-ce que tu fais ici ? » demanda-t-elle, sa voix trahissant sa nervosité.
Il s'avança, ses pas silencieux sur le parquet. « Je voulais m'assurer que tout allait bien. »
Elle fronça les sourcils, croisant les bras sur sa poitrine. « Et tu fais ça en t'introduisant dans ma chambre en pleine nuit ? »
Kael haussa un sourcil, mais ne répondit pas immédiatement. Ses yeux s'attardèrent sur elle, comme s'il cherchait à lire au-delà de ses mots.
« Tu as fait un cauchemar, » dit-il finalement, une affirmation plus qu'une question.
Lyra sentit un froid glacé l'envahir. Comment pouvait-il savoir ?
« Tu... comment sais-tu ça ? » balbutia-t-elle, reculant légèrement.
Un sourire presque imperceptible apparut sur les lèvres de Kael. « Je ressens tes émotions. »
Elle secoua la tête, incrédule. « Qu'est-ce que tu racontes ? Tu surveilles mes pensées, c'est ça ? »
Il s'approcha encore, réduisant la distance entre eux. « Ce n'est pas si simple. Il y a un lien entre nous, Lyra. Un lien que je ne comprends pas encore pleinement. Mais il est là, et il se renforce chaque jour. »
Les mots de Kael tourbillonnaient dans son esprit, mélange de confusion et d'appréhension. Elle voulait protester, exiger des explications, mais son regard la désarmait, une fois de plus.
« Alors, tu ressens tout ce que je ressens ? » demanda-t-elle finalement, sa voix à peine audible.
Il hocha lentement la tête. « Pas tout. Mais suffisamment pour savoir que tu es troublée. Et que tu es en danger. »
Le silence s'installa, lourd et chargé d'émotions. Lyra détourna les yeux, fixant la lune par la fenêtre.
« Pourquoi moi ? » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.
Kael ne répondit pas, mais elle sentit sa présence, imposante et protectrice, juste derrière elle.
Quelques heures plus tard, alors que Lyra tentait de retrouver un semblant de normalité, Elias fit son apparition, son sourire charmeur éclairant son visage.
« Une promenade nocturne, ça te dit ? » demanda-t-il avec désinvolture.
Lyra le regarda avec méfiance. Depuis son retour, Elias semblait se montrer un peu trop intéressé par elle. Mais une partie d'elle était curieuse. Peut-être avait-il des réponses, ou peut-être cherchait-il simplement à semer le trouble entre elle et Kael.
« Pourquoi pas, » répondit-elle, attrapant une veste avant de le suivre à l'extérieur.
La fraîcheur de la nuit leur mordait la peau, mais Elias semblait à l'aise, marchant avec assurance à travers les sentiers.
« Alors, que veux-tu me dire ? » demanda Lyra, brisant le silence.
Elias jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, un sourire en coin. « Tu es directe, j'aime ça. »
Elle roula les yeux, impatiente. « Je n'ai pas toute la nuit, Elias. »
Son sourire disparut, remplacé par une expression plus sérieuse. « Kael n'est pas celui que tu crois. Il cache des choses, des choses importantes. Et je pense que ça te concerne. »
Lyra sentit son cœur s'accélérer. « Explique-toi. »
Elias s'arrêta, se tournant vers elle. « As-tu déjà entendu parler de la meute de l'Ombre ? »
Elle secoua la tête. « Non. »
Il poussa un soupir, comme s'il s'attendait à cette réponse. « C'est une meute ancienne, presque oubliée, mais terriblement puissante. On raconte qu'ils ont des liens avec les ténèbres, qu'ils sont capables de choses que les autres loups ne peuvent même pas imaginer. »
Lyra fronça les sourcils. « Et quel rapport avec moi ? »
Elias la fixa intensément, ses yeux brillants dans la lumière de la lune. « Je ne sais pas encore. Mais Kael, lui, sait quelque chose. Et il ne te le dit pas. »
Elle sentit un mélange de colère et de confusion monter en elle. Pourquoi Kael lui cacherait-il quelque chose d'aussi important ?
« Fais attention, Lyra, » murmura Elias. « Ici, tout n'est qu'apparence. »
Alors qu'ils retournaient à la maison, Lyra sentit un poids s'installer dans sa poitrine. Les révélations d'Elias ne faisaient que renforcer ses doutes, et son lien mystérieux avec Kael devenait de plus en plus troublant.
En entrant dans sa chambre, elle ferma la porte derrière elle, se laissant glisser contre le bois. Le journal de sa mère était toujours là, sur la table de chevet, comme un rappel silencieux des secrets enfouis de son passé.
Lyra savait qu'elle ne pourrait plus ignorer la vérité bien longtemps.