Si j'avais su tout ce que celle-ci allait me réserver, j'aurais nettement préféré être morte à ce moment. Je n'ai même pas eu le temps de faire le deuil de mes parents que je devais déjà recommencer à vivre. C'est même quelque jour à peine après l'accident que j'ai fait, au tribunal, la connaissance de ma famille paternelle et maternelle. Ce jour-là, c'était la toute première fois que je les rencontrais. Mes parents ne tenaient pas de très bonnes relations avec leur famille. À ce moment précis, j'ignorais exactement pourquoi, mais j'aurais la réponse à mon interrogation que plus tard. Que ce soit du côté de la famille de ma mère ou de celle de mon père, personne ne voulait de moi. Ils ne se gênaient pas pour me le faire comprendre, j'étais l'enfant de la famille qui n'était pas désiré. Pour la petite fille de sept ans que j'étais, la réalité fut difficile. Ma tante paternelle s'est portée volontaire pour me prendre sous sa tutelle. Au fond de moi cette décision me réconforter, elle ressemblait tellement à mon père, elle avait le même sourire rassurant. Quand le juge a accepté de me laisser vivre avec elle, j'étais heureuse de ne pas être obligé d'aller en orphelinat. Si j'avais su ce que cette sorcière aller me réserver, j'aurais préféré y aller. Moi qui croyais qu'elle m'avait prise sous sa tutelle par gentillesse, je me suis bien trompé. J'ai vite compris que la seule chose qui l'intéressait c'était l'héritage de mes parents. D'ailleurs aujourd'hui il n'en reste plus rien. De l'âge de mes sept ans à celui de mes seize ans, j'ai vécu un véritable enfer dans le foyer de tante Paige. Je mentirais si je déclarais que c'était une mauvaise mère, car avec ses enfants elle était aimante, douce et attentionnée. Elle les chouchoutait, ne les engueulait jamais contrairement à moi. Elle me vouait une haine incommensurable, un peu comme tout le reste de ma famille paternelle. À sept ans, mon cerveau d'enfant ne me permettait pas de réellement comprendre son comportement envers ma petite personne. À travers mes yeux d'enfant, je la voyais de deux manières distinctes, il y avait la Paige gentille, uniquement avec ses enfants bien sûr, et la Paige méchante avec moi. Ma tante était cruelle, même quand je ne faisais rien, j'avais droit à des reproches. Quand j'avais le malheur d'ouvrir la bouche pour me défendre, elle me battait. Avec le temps, j'ai appris à me taire sous peine de me prendre un coup. La raison de toute sa haine, je l'apprends en grandissant. Ce qui dérangeait tant ma tante c'étaient mes origines ou plutôt ceux de ma défunte mère. Voilà pourquoi elle me détestait et me faisait vivre un enfer. C'était pour la simple et bonne raison que je n'étais pas à 100 % comme elle. La famille de mon père au complet n'approuvait pas ma mère et ses origines de Mexicaine. Est-ce du racisme ? La réponse est oui. Du côté de celle de ma mère, c'était la même chose. Ils détestaient les Américains. Tu m'étonnes pourquoi mes parents les ont fuis. Plus je prenais de l'âge, plus Paige devenait impitoyable. Quand elle ne me frappait pas, elle incitait son fils à le faire. Matt était son aîné, il avait 13 ans à l'époque suivi de caroline et Sam qui avait deux ans de plus que moi. Matt prenait à chaque fois un malin plaisir à me faire du mal, il adorait ça. En présence de leur mère, Sam et Caroline, eux aussi, étaient durs, mais dès qu'elle n'était pas dans les parages, ils étaient plus gentils. Aujourd'hui, je me persuade qu'ils avaient peut-être peur d'elle, d'où leur comportement à l'époque. Vers l'âge de dix ans, Paige prend la décision de me déscolariser pour faire de moi une esclave à temps plein au service de ses enfants et d'elle-même. Ce fut une des périodes les plus dures de ma vie, à l'époque, j'ai même maudit mes parents d'être partie et de m'avoir abandonné à cette vie de torture. Pourtant, à mes 13 ans, j'ai eu l'espoir que ma situation pourrait s'améliorer et pour une raison très simple, ma tante Paige avait rencontré un homme du nom d'Ethan. Elle avait l'air éperdument amoureuse de ce nouvel homme. Très vite cet inconnu est entré dans sa vie jusqu'à emménager avec nous. Avec Ethan dans les parages, elle ne me prêtait plus attention et ça, c'était un soulagement. Au début, Ethan était gentil, il me défendait même quand parfois Paige, en se rappelant de moi, exagérait. Il me protégeait également de ce sadique de Matt. Ma vie chez ma tante, c'était nettement alléger depuis qu'il était arrivé. Jusqu'à l'aube de mes 16 ans. Son regard sur moi avait entièrement changé, la bienveillance à laisser place à la perversité et arriva ce qui devait arriver. Un soir, alors que tout le monde dormait, Ethan s'est introduit dans ma chambre et a tenté de me violer. Cette nuit d'horreur restera à jamais dans ma mémoire. Rien que d'y repenser, je ressens la peur que j'avais éprouvée à cet instant. Ce jour-là, j'avais beau crier de désespoir, personne n'était venue à mon secours. J'étais complètement seule, face à ce monstre qui essayer d'abuser de moi. Je me suis débattu encore et encore, jusqu'à ce que mes forces me lâchent totalement. Je me rappelle avoir fermé les yeux, épuiser et résigner quand tout d'un coup les visages de mes parents me sont apparus. Suivi d'une phrase qui a résonné dans tout mon corps et c'est grâce à cette phrase « bats-toi, n'abandonne jamais » que je suis entière et presque sans séquelle aujourd'hui. Cette nuit-là, ces mots m'ont donné la force d'ouvrir les yeux afin de lui administrer un violent coup dans les parties. Suite à celui-ci, Ethan m'avait automatiquement lâché dans un râle de douleur avant de me conférer des injures. Ma tante avait choisi ce moment précis pour enfin débarquer dans la chambre et ce qu'elle fut ce jour-là m'a scandalisé. D'un air serein, aucunement surprise de voir Ethan dans ma chambre, elle s'est avancée vers moi, leva sa main et me gifla de toutes ses forces avant de me cracher à la figure. Paige avait conclu son geste par les paroles suivantes « tu es comme ta mère, une vraie salope. Tu as 10 minutes pour dégager de chez moi. » Je me rappelle m'être indignée en quittant la maison de ma tante. Elle était au courant de tout. Pourtant, elle a laissé Ethan me faire ça sans même intervenir. Dans le petit sac à dos que j'ai réussi à prendre, se trouver le peu d'affaires qui m'appartenaient. Il faut dire que je n'avais pas grand-chose. Avec celui-ci sur mon dos, je m'étais éloignée de cette maison de malheur à tout jamais. À l'époque, j'avais ressenti un soulagement d'être partie, entre ces quatre murs, j'avais vécu les pires atrocités. Cependant, j'étais consciente que l'épreuve qui m'attendait, allait être compliquée. Seize ans, ce n'est pas un âge pour devenir une sans-abri. Les premiers jours furent horribles, je dormais dehors dans des endroits cacher pour éviter de tomber sur d'étrange énergumène. La rue est dangereuse pour tout le monde, mais elle l'est beaucoup plus quand on est une femme. Pourtant, une rage en moi bouillonner. Je ne devais pas me laisser abattre. Il m'aura fallu trois semaines pour me trouver un travail et un logement par la même occasion. La propriétaire du café dans lequel j'ai postulé était réticente à l'idée de me laisser travailler et emménager dans son studio étant fort jeune. Et pourtant, quelque chose là fait changer d'avis. Avec du recul, je pense sincèrement qu'elle m'a prise en pitié. Je serais restée deux ans à son service avant qu'elle ne décide de vendre son bâtiment. Pour ma part, ce fut un signe du destin, avec mes économies, je m'étais acheté un billet direction New-York, pour un nouveau départ. Je me rappelle parfaitement le sentiment que j'ai éprouvé lorsque le bus, c'est éloigner définitivement de l'Oklahoma. Cette ville dans laquelle j'ai tant souffert. Une fois arrivé à New York, je fus étonnée de trouver un emploi assez rapidement. Fini les trois semaines de galère, il m'aura fallu que d'une présentation pour être prise comme serveuse au Reed. Ce bar était loin d'être une référence à New York. Pourtant, j'étais super heureuse à l'idée de commencer, car cet emploi marquer le départ de ma nouvelle vie. Aujourd'hui, cela fait exactement quatre ans que je travaille au Reed. En repensant au parcours chaotique que j'ai vécu, je me demande toujours comment j'ai fait pour survivre et en arriver là. À l'heure actuelle, je n'ai pas à me plaindre, j'ai un petit appartement assez sympathique de deux pièces. Certes, les lieux ne sont pas super bien fréquentés à partir d'une certaine heure. Toutefois, pour le moment je ne dispose pas d'autre option, donc je ne peux qu'être heureuse d'éviter de dormir dans la rue encore une fois et d'avoir plus d'une pièce où vivre.
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Il est presque midi quand j'ouvre enfin les yeux, je me suis permis de prendre ma grasse matinée ayant travaillé la soirée hier. D'ailleurs aujourd'hui, c'est le même horaire que je dois faire. Je passe mon après-midi à faire mes corvées et régler mes factures. À la fin de mes comptes, il ne me reste quasiment plus rien pour finir le mois. Le salaire d'une serveuse, ce n'est pas celui-là qui me permettra de vivre la grande vie. Toutefois, avant d'imaginer vivre la grande vie, il faut d'abord vivre tout court, d'ailleurs mon frigo est presque vide, je dois penser à aller faire des courses. Aujourd'hui, je n'aurai pas le temps avec le boulot, mais demain absolument sinon je n'aurai plus rien à manger pour les prochains jours. Quand l'heure de me préparer pour aller au travail arrive, je consulte l'horaire de la gare pour ne pas manquer mon train n'étant pas véhiculé. Ce serait vraiment pratique d'avoir une voiture, mais je n'ai pas les moyens d'en acheter une ou de l'entretenir donc j'utilise mes jambes et tous les transports en commun pour me déplacer. Je descends les escaliers de mon immeuble quand je tombe nez à nez avec le concierge de celui-ci.
- Oh, Madame Jacobs, c'est bien de vous croiser. J'allais venir vous trouver.
- Bonjour, Monsieur Berry. Cela pourrait attendre, si je ne me dépêche pas, je risque de manquer mon train.
- Aaah, non Madame, j'ai un recommandé pour vous. Il a l'air important, je vais vite vous le chercher, veuillez patienter une minute.
Un recommandé ? C'est étonnant, je ne vois pas du tout ce que cela pourrait être.
Le concierge revient assez rapidement et me tend une grande enveloppe qui m'a l'air assez lourde. Je remercie Monsieur Barry avant de sortir de l'immeuble pour me rendre à la station de métro. Une fois dans mon train, je prête plus d'attention à cette enveloppe et au document qui sont à l'intérieur. Plus je les parcours, plus je suis ahuri. Plusieurs mots m'interpellent tels que, crédit ; retard ; fraude ; rappel ; mensualité impayée ; 60 000 $ ou encore échéance ; deux mois ; tribunal ; prison. Je suis sonné par ce que je suis en train de lire. Si je comprends bien les documents que j'ai dans les mains, j'aurai fait un crédit à l'âge de mes 21 ans. Donc l'année passée dans une banque de l'Oklahoma et aujourd'hui je suis en infraction. Parce que je n'aurais jamais respecté les mensualités de paiement. Si dans trois mois je n'ai pas remboursé la totalité de mon crédit, je devrais comparaître devant le tribunal et peut-être risqué la prison. Je lève la tête pour regarder autour de moi. C'est une blague, dites-moi que c'est une blague. Il y a eu un mal entendu, je ne vois pas d'autre solution. J'appelle le numéro de la banque en question. Cela sonne depuis quelque seconde quand enfin une voix qui me paraît familière me répond.
- Bonjour, Ethan Hunk d'US Bank que puis-je faire pour vous.
- ...
Je n'arrive pas à y croire, dans ma tête, je réfléchis rapidement, cette voix, ce nom, je les reconnais instantanément et un frisson de terreur me traverse la colonne vertébrale.
- Allo, il y a quelqu'un, m'interpelle Ethan de l'autre côté du combiné.
Sans attendre une seconde de plus, je raccroche. Je reste ahurie pendant plusieurs secondes avant de réellement comprendre ce qu'il se passe. Je suis dans un cauchemar, ce n'est pas possible. Plusieurs questions me traversent l'esprit, tout d'abord vienne les interrogations des comment, comment ont-ils retrouvé mon adresse, comment ont-ils réussi à faire un crédit à mon nom. Ensuite, c'est au tour des pourquoi, pourquoi il ne me laisse pas tranquille, pourquoi ils essayent de me couler et pourquoi diable, il ne m'efface pas de leur vie tout simplement. Pour chacune de ces interrogations, j'ai ma petite réponse. Étant donné qu'Ethan travaille dans ladite banque, il a dû avec ma chère tante faire une manœuvre douteuse pour pouvoir utiliser mes documents d'identité que j'ai laissés derrière moi le jour où j'ai été mise à la porte. Pour ce qui est de mon adresse actuelle, cela ne doit même pas être eux qui l'ont retrouvé. Je parierais plus sur des agents qualifiés dans la fraude qui ont dû récupérer mon adresse actuelle. Pour ce qui est des pourquoi, manifestement ma tante a simplement envie de me faire souffrir. Elle me déteste, et donc la simple idée ou allusion que je puisse vivre une vie confortable et heureuse sans problème, la rend malade. Tandis que je relis les documents une deuxième fois, je me demande de quelle manière je pourrai me sortir de ce pétrin. En trois mois, je n'arriverais pas à récolter la somme demandée. Je ne saurais jamais rembourser tout cet argent. Le plus navrant dans cette histoire, c'est que je ne dispose pas d'autre choix. Je dois rembourser cette somme. Ma tante et Ethan ont bien joué leur coup. Par contre, je ne vois pas de quelle manière, je peux prouver que ce n'est pas réellement moi qui aie fait ce prêt. Jo mon patron me paye en noir, ce qui veut dire, que mes revenus ne sont pas déclarés et pour ce qui est de mon appartement le propriétaire me le loue, mais sans contrat, donc une preuve en moins. D'ailleurs dans le contrat de prêt, c'est l'adresse de résidence de ma tante qui est mentionnée. Si je ne possède pas de contrat de bail, comment je peux prouver à la banque que ce n'était pas moi. Parce qu'à ce moment, je ne vivais déjà plus chez ma tante. En ma possession, je n'ai littéralement aucune preuve attestant que pour cet emprunt mon identité a été usurpée. Cependant, une chose me taraude, qui me prouve qu'en soldant ma dette, je ne vais pas fournir à ma tante le bâton pour me faire battre. Car si je paye elle et Ethan pourront le refaire. Il faut que trouver un moyen et vite sinon je vais me trouver derrière des barreaux. Une idée me traverse l'esprit, le document en main, je regarde la date puis l'heure du prêt. Soudainement, j'ai une lueur d'espoir. Lors de la conception de ce prêt, j'étais au boulot. Je dois en parler avec mon patron, s'il atteste que j'étais bien présente ce jour-là, a-t-elle heure, j'ai une chance de sortir de ce pétrin. Jo est mon seul espoir. Je dois rester optimiste. Arriver au bar, je m'apprête afin de commencer mon service. Sachant que Jo commence à 20 heures aujourd'hui, je vais me concentrer sur mon boulot jusque-là. Dès que cette heure arrive, je me rendrais dans le bureau Jo pour lui faire part de mon problème. Intérieurement, je stresse, mon parton est assez difficile, mais je suis quand même une bonne employée, par conséquent il ne devrait pas être fermé à l'idée de me venir en aide. Mettant de côté mon stress, je me focalise sur mon travail. Le début de soirée passe rapidement et je ne pense même plus à mon problème de dette. Je me dirige vers la réserve du bar quand Beth, ma collègue et amie, débarque, elle aussi, dans la réserve.
- C'est fou le monde que l'on a aujourd'hui, j'ai hâte de finir.
- Oula on vient juste de commencer, ce n'est pas tout de suite que l'on aura fini.
- Aaaaah, j'en peux déjà plus. Tu peux me dire pourquoi je travaille dans ce bar pourri.
J'éclate de rire à sa réflexion.
- Pour Ian, bien évidemment.
- Oui pour Ian, roule-t-elle des yeux.
- Ça n'avance toujours pas vous deux ?
- Non, c'est le néant ! Ça m'énerve, il fait le difficile alors que je sais parfaitement qu'il est attiré par moi.
Beth a raison, Ian est fou d'elle, je pense qu'elle l'intimide. Cependant, Rien d'étonnant, en plus d'être magnifique, elle a un caractère de feu. D'ailleurs mon amie déstabilise beaucoup d'hommes.
- Il passera un jour la deuxième qui sait, ne perd pas espoir.
- Il a intérêt, j'en ai assez de l'attendre. Je te jure Lana, il me frustre, j'ai envie de le secouer pour qu'il se réveille.
- Tu m'étonnes.
- Sinon tu es sûr que ça va, toi. Tu as l'air préoccupé depuis que tu es arrivé ici.
- Oui ça va, j'ai juste des petits problèmes d'argent.
- Petits, insiste Elisabeth en me lançant des regards qui veulent dire « arrête de mentir donc accouche. »
- D'accord, d'accord, j'ai des gros problèmes d'argent, mais pas d'inquiétude, j'ai trouvé un moyen pour que tout s'arrange.
Beth me dévisage quelque second avant de changer de discussion.