"Ça y est ! Le jour vient encore de se lever" balbutiai-je entre deux bâillements.
Mon prénom c'est Dénichka et j'ai vingt-cinq ans. Je vis avec mes parents à Bali depuis que je suis toute petite. Nous sommes au nombre de deux enfants. J'ai un frère âgé de vingt ans. Il continue ses études dans une université située à plusieurs kilomètres de chez nous et ne vient à la maison que pendant les vacances.
Mes parents travaillent au EL DORADO : l'hôtel le plus grand et populaire de Bali. Mon père, Fernando, est un petit cuisinier et ma mère est ménagère.
Nous ne sommes pas spécialement riches mais nous arrivons à subvenir à nos besoins. Je suis fière de mes parents et de tous les sacrifices qu'ils font pour mon frère et moi. Néanmoins, nous sommes très souvent victimes de moqueries. Je ne vais pas nier que celà me fait mal mais j'arrive à passer au-dessus de tout ça.
Alors moi, je suis serveuse toujours dans le même hôtel. Mes parents l'ont difficilement accepté mais j'ai tout fait pour les convaincre. Nous avons connu une période très difficile où nous avons failli perdre notre maison. Cette maison est le seul bien que nous détenons. Mes parents l'ont acquis grâce à leurs économies très difficilement. Je n'ai pas eu d'autre choix que de trouver rapidement un boulot. Et c'est celui qui se présentait à moi.
À l'hôtel tout se passe plutôt bien sans compter les propositions indécentes de certains clients et les filles de riches qui ne manquent pas une seule occasion de se moquer de moi. Mais je tiens le coup. Je suis toujours restée droite dans mes bottes et fidèle à mes principes.
Je me lève doucement de mon lit pour aller prendre une douche.
"Ouille !" m'exclamai-je
Je viens de marcher sur une barrette à cheveux posée sur le sol.
Je m'abaisse et la retire.
Décidément, ma journée s'annonce très belle.
Quelques minutes suffisent pour que je m'apprête. Je porte mon habit de rechange et je vais prendre le petit déjeuner avec mes parents.
"Bonjour ma puce!" dit mon père.
"Bonjour papa" répondis-je
Je joins le geste à la parole et lui fais une bise sur la joue. Il me serre dans un long câlin. Maman se joint avec nous. Avec le temps, ce câlin matinal est devenu une sorte de petit rituel entre nous. Dans notre famille, nous restons très soudés.
"Allez, prenons le petit déjeuner" cria ma mère.
Papa et moi faisons semblant d'être offusqués. Maman est douée pour rompre ce genre de moment.
Elle nous sert le thé.
Je déjeune en les observant se chamailler. Bientôt trente ans qu'ils sont ensemble. Il m'arrive de vouloir vivre ce genre d'amour mais jusqu'à ce jour je ne suis pas encore tombé sur l'homme qui m'en donnera envie. Je n'ai pas eu énormément de relations amoureuses mais les hommes qui voulaient passer aux choses sérieuses ne m'ont pas approché. Les gens viennent beaucoup plus à Bali pour les vacances. En plus de ça, travailler en tant que serveuse dans un hôtel ne m'aide pas beaucoup. Les garçons que je rencontre se méprennent sur moi. Ils ne pensent qu'à s'amuser.
Je ne suis pas une sainte mais j'ai des principes et des valeurs.
Je termine mon petit déjeuner et leur dit au-revoir.
Je monte sur mon vélo et commence par pédaler.
J'ai l'habitude de me rendre à l'hôtel sur mon vélo. Nous habitons juste à cinq minutes de l'hôtel. Quelques pédales et je tombe sur Diana, ma meilleure amie. Elle est également sur son vélo.
"Salut jolie fille!" dit-elle
Je souris face à sa taquinerie.
Diana et moi travaillons au EL DORADO. Elle travaille en tant que ménagère donc elle est en interaction avec ma mère.
Nous prenons des nouvelles l'une de l'autre et continuons à bavarder jusqu'à arriver à destination.
Devant l'hôtel, nous posons nos pieds au sol simultanément.
"Ça fait plusieurs années que je suis ici mais ça me fait toujours cette sensation. L'EL DORADO est juste époustouflant." s'exclame Diana.
Eh oui, Diana a raison. Quoi que l'on puisse dire, cet hôtel vaut tout son prestige. En un mot, il est magnifique.
"Allez, rendons nous à nos postes avant que Madame Vera ne nous chope" lui dis-je.
À l'entente de son nom, Diana fronce les sourcils.
Madame Vera est une dame de la cinquantaine qui supervise les postes à l'hôtel. Elle est une sorte de contrôleur qui rappelle tout le temps à l'ordre les employés. Elle est particulièrement chiante et ne manque pas de nous rabaisser devant les clients.
Nous entrons par derrière l'hôtel et montons les marches de l'escalier de service. À peine a-t-on garé nos vélos que Madame Vera nous interpelle.
"Jeunes filles! Avez-vous vu l'heure qu'il est ?" questionne t-elle les sourcils froncés.
Diana tente de lui répondre :
"Madame Vera, il n'est que..."
Elle lui coupe la parole:
" Je m'en fous de l'heure qu'il fait. Vous devez toutes être à vos postes." argua-t-elle.
Diana s'apprêtait encore à lui répondre mais je parvins à la devancer.
"C'est compris, Madame." murmurai-je.
Elle reste debout un instant et nous fixe sans rien dire. Elle s'approche de Diana qui grogne entre ses dents.
"Ai-je bien été claire, Mademoiselle Diana!?"
Elle prononce son nom avec un certain dégoût.
"Oui,très claire" prononça Diana malgré elle.
Je prends Diana par le bras pour l'emmener.
Contrairement à moi qui arrive à garder mon sang froid, Diana n'a pas la langue dans sa poche. Elle dit tout ce qu'elle pense sans retenue. Bien évidemment, ce caractère d'elle lui vaut souvent des préjudices mais je suis souvent dans les parages pour rattraper le tir.
Et c'est pareil de mon côté, tellement je me tais que les gens ont un malin plaisir à me marcher sur les pieds. Diana me pousse très souvent à taper du poing sur la table comme avec ses filles de riches qui passent leur temps à se moquer de nous et nous traiter de filles pauvres.
Diana et moi arrivons dans la cabine de rechange.
"J'en ai marre, Dénichka, marre de me laisser marcher autant sur les pieds." dit-elle à bout de souffle.
J'essaye de la réconforter.
"J'en suis consciente et je vis la même chose que toi mais que veux-tu ? Tu sais plus que quiconque combien nous avons besoin de ce boulot. Et tu sais que tu nous ne mènerons pas cette vie indéfiniment" dis-je.
Elle parvient difficilement à se calmer. Ce que nous fait vivre Madame Vera est injuste. Nous remarquons bien la manière dont elle traite les enfants de riche mais en ce qui nous concerne, elle passe son temps à se défouler sur nous selon ses humeurs.
Diana et moi changeons nos habits contre les vêtements de service.
Une robe courte pour Diana et un ensemble haut et jupe pour moi. La couleur des vêtements est de couleur bleu nuit pour nous toutes avec des inscriptions de nos prénoms sur la poitrine.
Diana ramasse son panier de linge et s'apprête à entamer sa journée.
"À tout à l'heure, ma puce" me dit-elle en me faisant une bise sur la joue.
"À plus, chérie" lui répondis-je.
Je la regarde s'en aller pendant que je réajuste mes vêtements.
Diana et moi, nous nous sommes rencontrées il y a quatre ans. Elle était là quelques mois avant moi. Nouvelle et naïve que j'étais, je n'avais pas vraiment de personnalité. C'est elle qui m'a montré comment me défendre et comment forcer les gens à me respecter.
Je me replonge encore au jour où on s'est adressé la parole pour la première fois.
"Tu es la fille de Madame Florencia!?" me demanda t-elle éberluée.
Madame Florencia, c'est ma mère. J'ai répondu oui à sa question et elle s'est lancé dans un énorme discours d'éloges intarissable sur toutes les qualités qu'avait ma mère.
"Franchement tu as trop de chance d'être la fille de Madame Florencia. Je t'envie trop. C'est la dame la plus géniale que je connaisse." Dit-elle en souriant.
Ensuite elle me fit de gros câlins à tout va. L'espace de quelques minutes, nous sommes devenues les meilleures amies du monde. Je pense que la raison pour laquelle notre amitié marche si bien c'est à cause du mélange que forme nos divergences. Elle est là pour combler mes vides et moi les siens. .
Je lisse de mes mains les poches de ma jupe lorsque j'aperçois au loin Madame Vera. Très rapidement, je sors de la cabine. Je ne veux surtout pas avoir à subir encore ses remontrances. C'est le genre de femme qui vous gâche votre journée juste avec ses mots piquants.
Je traverse plusieurs étages avant d'arriver au cinquième. C'est l'endroit où se situe la boîte VIP. En tant que serveuse, je suis polyvalente mais actuellement je suis affectée à la boîte VIP.
Il est neuf heures du matin. Avant j'aurais dis que personne ne va en boîte le matin mais depuis que j'exerce dans ce milieu, je peux affirmer le contraire. Les gens ne boivent pas que la nuit. Certes l'affluence est beaucoup plus forte la nuit mais en journée, la boîte ne manque pas de clients.
Je me dirige vers le bar. Natalie, celle qui tient le bar, est dans tous ses états. Je m'empresse de lui demander ce qui ne va pas.
"Natalie, y-a-t-il un problème ?" lui demandai-je.
"Oh, non chérie. Tout va bien. Tu sais comment Nico me met de mauvaise humeur les matins....Tiens apporte ça à la table six" me répondit-elle.
Je prends dans mes mains le plateau qu'elle me remet.
Nico c'est son mari. Il lui fait vivre l'enfer mais je ne sais pas pourquoi elle s'efforce à rester avec lui. Quand je l'observe, l'adage : Le cœur a ses raisons que la raison ignore prend tout son sens.
Heureusement que dans la vie il n'y a pas que des personnes méchantes. Natalie est une dame au cœur en or, altruiste et qui ne veut aucun mal à son prochain. Elle m'a très bien accueilli et depuis quatre ans tout se passe très bien. Les bonnes personnes existent juste qu'elles sont rares. Aussi rare qu'une aiguille dans une botte de foin.
Je soupire et m'empresse de remettre sa commande au client.
Ainsi de suite la journée se poursuit comme tous les autres jours de la semaine.
Lorsque j'ai un peu de répit, je m'assois sur une chaise du bar un peu dans un coin en pensant à ma vie. Je ne veux pas passer toute ma vie à faire ce métier. Mon rêve c'est de devenir créatrice de marque, icône de la mode. J'adore tout ce qui est en rapport avec la mode. D'ailleurs, la majorité de mes vêtements et ceux de Diana ont été confectionnés par moi.
Je fais ce boulot pour aider mes parents, mon frère mais également me lancer dans mes projets. Quand bien même la paye est consistante, il m'est toujours difficile de donner réellement vie à mes projets.
Malgré toute cette monotonie, j'ai foi en moi et en tout ce que je peux accomplir. Je sais que je finirai par atteindre les objectifs que je me suis fixé. Cet espoir que je nourris me permet de vivre.
Natalie m'interpelle et je la rejoins. Elle me donne quelques petites instructions pour terminer la première partie de la soirée. Je m'exécute pendant que Diana me rejoint. Elle aussi vient de terminer la première partie de son boulot.
"Hey chérie ! Tu n'as pas fini?"
"Oui, juste un instant !"
Je dépose mon tablier pour la rejoindre. Nous allons prendre notre pause dans le coin détente des employés.
Nous commandons des mojitos et des sandwichs.
Après plusieurs bouchées, Diana expire profondément.
"Qu'est ce que c'est fatiguant tout ce boulot!"
"Tu as totalement raison" dis-je entre deux bâillements.
"... Et cette routine, je n'en peux plus mais heureusement qu'un nouveau visage viendra nous changer un peu les idées" dit-elle
Surprise, je ne peux m'empêcher de lui demander de qui elle parle.
"Comment se fait-il que tu ne sois pas au courant ? Ah, Dénichka ! Tu n'as pas le temps pour les ragots. Tu ne penses qu'à travailler."
Elle fait durer le suspense du ragot. Entre deux bouchées, je finis par lui demander :
"De l'arrivée de qui parles-tu ?"
"Chaz, le fils du PDG!" dit-elle avec une voix suave.